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19/05/2016

La Cuisinière, Mary Beth Keane

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1899. New-York. Mary Mallon, cuisinière de son état, s'occupe du petit Kirkenbauer qu'elle aime beaucoup et qui souffre de fièvres alors que sa mère a elle-même attrapé la typhoïde. L'enfant et la mère décèdent et Mary quitte son emploi. Commence alors pour Mary un long parcourt de cuisinière qui l'a fait passer d'années en années au service de riches familles, recevant du beau monde et faisant de la cuisine de Mary leur fierté. Ces années sont passées sous silence dans le roman et cette ellipse nous amène directement au jour de l'arrestation de Mary, suspectée d'avoir volontairement transmis la typhoïde à de nombreux membres des familles pour lesquelles elle a travaillé. Interrogée comme une criminelle, étudiée comme un cas unique, analysée comme un cobaye, enfermée comme un animal dangereux, Mary est méfiante, agressive et ne comprend pas ce qu'il se passe. Oubliée par son conjoint, observée par les journalistes, les docteurs et la population new-yorkaise toute entière Mary devra alors lutter pour retrouver sa liberté et prouver son innocence. Ce résumé ne concerne que les premières centaines de pages du roman mais pour ne pas trop vous en dire je m'arrête ici !

Les recherches de Mary Beth Keane pour reconstituer si finement la vie de Mary Mallon, surnommée la porteuse de germes ou Mary Typhoïde et pour installer une atmosphère et un décor si précis doivent être titanesques. Ce livre semble ne rien laisser au hasard ou à l'imagination de Mary Beth Keane même s'il ne s'agit pas d'une biographie mais d'un roman. J'ai apprécié la description des conditions de vie misérable des hommes et des femmes de cette époque ou encore les allusions aux grands événements de l'époque comme l'incendie qui tua de nombreuses ouvrières dans une usine ou le naufrage du Titanic. L'aspect documentaire du roman est très intéressant.

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Le début du roman est très accrocheur et la fin contient de nombreux rebondissements mais je dois bien admettre que j'ai trouvé certains passages bien trop longs. Afin de se faire un avis sur la culpabilité ou l'innocence de Mary, les médecins, juges et journalistes étudiaient à la loupe sa vie privée mais j'ai trouvé que la relation entre Mary et Alfred prenait trop de place dans le roman. Le rythme me semblait parfois trop lent, peut-être que j'attendais trop du roman. Ma lecture a donc traînée et ce n'est pas un bon signe ! Le destin de Mary Mallon est incroyable et parfaitement digne d'un roman mais il manque quelques petites choses pour transformer ce livre en une véritable réussite, peut-être un peu plus de rythme ou une héroïne un peu plus attachante.

Vous l'aurez compris je suis un peu déçue par cette lecture même si elle n'est pas totalement négative.

Lu dans le cadre de la lecture commune organisée par Fanny pour le challenge XIXe siècle.

Fanny

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04/05/2016

L'extraordinaire voyage de Sabrina, P.L Travers

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Sabrina Lind, une jeune fille d'une dizaine d'années, vit avec ses parents et son petit frère, James, dans le Sud Est de l'Angleterre. La seconde guerre mondiale atteint finalement son petit village paisible et sa vie heureuse vole en éclats. Les parents de Sabrina et James décident d'envoyer les enfants chez une tante et un oncle en Amérique. Sabrina débute alors son journal intime afin de raconter et de ne pas oublier cette aventure.

La première partie du roman raconte la traversée des enfants avec Pel et Romulus, une tante et son bébé. La narratrice, Sabrina, décrit ses journées: ses rencontres avec de nouveaux enfants qui deviennent ses amis, ses jeux avec Pel qui consistent à imaginer leur vie sur une île déserte ou encore le jour où les enfants ont tenu la gouvernail du navire. Sabrina raconte ensuite son arrivée en Amérique, sa rencontre avec sa "nouvelle famille américaine". Sa tante Harriet n'aura alors de cesse de divertir les enfants pour diminuer leur souffrance et pour qu'ils ne s'abandonnent pas à la mélancolie. Sabrina et James découvriront New York, la Statue de la Liberté, l'Exposition Universelle et la vie américaine.

Ce roman jeunesse est un classique inspiré par une histoire vraie, celle de l'auteur elle-même. La forme du journal intime choisie par P.L Travers pour son roman lui permet d'insérer de nombreuses mignonneries et commentaires naïfs, tendres mais toujours lucides et intelligents de son héroïne sur le monde des adultes et sur la vie. Pendant ce voyage et grâce à l'écriture Sabrina devient une jeune fille prête à affronter le quotidien. J'ai particulièrement aimé le jeu des enfants consistant à devenir l'un après l'autre le conteur de leurs aventures sur une île déserte ou encore le jeu de la "boîtes à amoureux" de la cousine de Sabrina. Chaque jour il faut piocher le nom d'une jeune homme pendant un mois et le dernier nom restant dans la boîte sera celui de votre futur époux. Contrairement au célébrissime Mary Poppins, L'extraordinaire voyage de Sabrina ne contient pas d'éléments merveilleux. Ce roman de P.L Travers est plein de poésie et retranscrit avec justesse le monde de l'enfance fait de rêveries, de moments d'insouciances mais aussi de gravité :

" Quand vous êtes au lit, vous êtes en sécurité. Rien ne peut vous faire du mal. Et une bonne façon d'arrêter de penser, c'est de faire le tour du monde dans votre tête. Le Vésuve qui crache des flammes, l'Afrique du Sud où Oncle Cédric a capturé un gorille, le Brésil où le café pousse dans les arbres et la Chine où on garde des oeufs pendant cent ans et où les cités sont interdites. [...] Vous tournez, vous tournez et, si vous faites bien attention, vous ne vous arrêtez pas à l'endroit important avant de vous endormir. Et alors tout va bien. Mais parfois, vous glissez de votre parcours et vous vous retrouvez en Angleterre et vous ne pouvez plus faire semblant et vous êtes tout triste. " (p164)

L'extraordinaire voyage de Sabrina est un roman mignon, tendre mais aussi mélancolique illustré par les très beaux dessins de Gertrude Hermes qui apportent un charme supplémentaire à l'histoire et à l'objet livre.

Je remercie vivement les éditions Zethel et Babelio.

Fanny

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26/04/2016

Bath et Chawton, un rêve éveillé chez Jane Austen

 Du 10 avril au 15 avril nous sommes allées à Londres et dans le Sud de l'Angleterre avec ma soeur et nous avons réalisé certains de mes doux rêves (c'est neuneu, certes, mais c'est la vérité ) : visiter Bath, Chawton et Dorchester.

Nous avons d'abord passé le dimanche après-midi et le lundi à Londres. Nous nous sommes promenées dans Kensington gardens et Hyde park ( je crois que ce sont mes endroits préférés à Londres), comme le veut la tradition nous avons salué la statue de Peter Pan (un amour de jeunesse), puis nous avons mangé à Camden. Le lendemain matin, nous avons remonté la Tamise à pied depuis la Tour de Londres, en passant sur le Tower Bridge, devant le Globe, Big Ben et nous avons mangé à Trafalgar. L'après-midi, nous avons visité la British Library afin de voir l'exposition consacrée à Alice au pays des merveilles et les célèbres manuscrits conservés dans cet endroit. Si un article sur Londres agrémenté par des photographies vous tente, n'hésitez pas à me le dire.

Mardi 12 avril, au petit matin nous avons pris un train pour aller jusqu'à Bath. Il ne faut qu'une heure trente pour rejoindre Bath depuis Londres.

Après avoir déposé les bagages à l'hôtel, nous avons commencé par visiter The Jane Austen Centre qui se trouve dans la rue (Gay Street) dans laquelle Jane Austen a vécu mais pas dans la véritable maison qui est aujourd'hui devenue un cabinet de dentistes. Le centre est amusant à visiter : les personnes qui y travaillent sont tous déguisés, une jeune fille vous explique la vie de Jane Austen et de sa famille, ses liens avec Bath et vous pouvez ensuite voir les copies des portraits de Jane Austen, des photographies de tous les acteurs ayant joué dans une adaptation ou encore la récente statue faite à partir des quelques descriptions physiques de Jane Austen. Le centre est plaisant à visiter et ludique mais l'âme de Jane Austen n'est pas véritablement là. On est amusé mais pas ému. ( Vous pouvez voir en grand toutes les photos en cliquant dessus).

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Nous avons remonté la rue pour trouver la maison dans laquelle Jane Austen a vécu le plus longtemps à Bath.

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Après avoir mangé dans la plus vieille taverne de la ville, nous avons visité les bains romains. Les bains se trouvent à côté de l'Abbey de Bath et de The Pump room. L'ensemble est magnifique. La visite des bains est très complète et riche. The pump room, lieu de rendez-vous dans Northanger Abbey et Persuasion, est devenu un restaurant et un salon de thé très fréquenté.


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Enfin, comme Anne Elliot, nous avons cherché et couru après Frederick Wenthworth aux abords du Royal Crescent et du Circus. Je ne pense pas avoir à vous venter la beauté de l'endroit, les photographies parlent d'elles-mêmes !

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Nous avons ensuite cherché les Assembly rooms, désormais musée de la mode et lieu hautement Austenien dans lequel a lieu le rendez-vous raté entre Anne et Frederick lors d'un concert de musique. Nous n'avons pas pu y entrer puisque le musée était déjà fermé. 

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Je ne peux vous dire qu'elle joie se fut de marcher dans les pas de Jane Austen et de ses héroïnes. Après avoir été émerveillée par Bath dans sa jeunesse, comme Catherine Morland, Jane se lassa rapidement de la ville et de ses habitants qu'elle trouvait trop superficiels, tout comme Anne Elliot. Pour ma part, en ce premier jour, j'étais davantage Catherine Morland s'extasiant de tout qu'Anne Elliot !

Le lendemain matin nous sommes allées chercher la voiture de location et nous avons roulé une heure trente jusqu'à Dorchester pour visiter la ville et les deux maisons de Thomas Hardy. Je vous parlerai de cette journée dans un article à venir.

Le jeudi matin, après nous être rendues dans le cimetière dans lequel est enterré le coeur de Thomas Hardy (son corps étant à l'Abbey de Westminster), nous avons roulé une heure trente jusqu'à Chawton.

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Chawton est un tout petit, aussitôt arrivé dans le village, vous apercevez le cottage de Jane Austen.

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Le cottage est magnifique à l'extérieur comme à l'intérieur et le printemps ajoute un charme supérieur au jardin. Avant de visiter la maison, une vidéo nous raconte la vie de Jane Austen et l'histoire du cottage. Ensuite, nous visitons la cuisine, la salle à manger dans laquelle se trouve la table sur laquelle Jane écrivait et enfin l'étage et les chambres. L'intérieur de la maison est charmante et la visite est émouvante. On voudrait qu'elle dure trèèèèès longtemps pour rester le plus de temps possible chez Jane Austen. Le seul petit inconvénient réside dans l'attractivité du cottage: nous étions au mois d'avril mais il y avait déjà beaucoup de visiteurs.   

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La veille, nous avions presque été accueillies comme des "reines " dans les maisons de Thomas Hardy puisque nous avions moins de 60 ans et que nous étions françaises, les gens travaillant chez Jane Austen voient bien plus de monde et sont de ce fait moins attentifs ou simplement moins passionnés. Je suis très égoïste quand je visite une maison d'écrivain: je suis tellement "fanatique", je les aime tellement, que j'aimerais être seule dans la maison et pouvoir parler comme je le souhaite, rester autant de temps que je veux dans les pièces et me sentir "invitée" chez cet homme ou cette femme que j'admire tant. Bref, c'est une manie un peu folle mais je voulais tout de même l'expliquer puisque la visite ne fut pas aussi féerique que celle des maisons de Thomas Hardy.Malgré ma folle manie, la visite fut incroyable.

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Si un jour vous avez la chance de visiter Chawton, je vous conseille de prévoir le pique-nique. Il n'y a que deux pubs et nous avons eu du mal à trouver une table avant 15h et encore on nous a fait comprendre qu'il ne fallait pas trop s'attarder. Après notre rapide repas, nous avons marché jusqu'à l'église dans laquelle Jane se rendait et dans le cimetière dans lequel Cassandra et la mère de Jane Austen sont enterrées. Le manoir que le frère de Jane Austen possédait se trouve juste à côté de l'église. Après une promenade dans ce charmant village où les cottages rivalisent de mignonneries, nous avons repris la voiture pour la laisser à Basingstoke et de là nous avons repris un train pour Londres.

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Que ce soit à Bath ou à Chawton, j'étais comme une enfant de six surexcitée par tout mais j'étais également très émue. Mon petit coeur fleur bleu battait bien fort ! Pour toutes personnes aimant Jane Austen, ces lieux sont chargés d'émotions. Je vous les conseille plus que vivement. Depuis mon difficile retour à la réalité, j'ai furieusement envie de relire tous les Jane Austen et de revoir tous les films. Et je ne décroche pas des photos que je regarde inlassablement.

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 J'espère que cet article que j'ai essayé de faire le plus spontanément possible n'est pas trop répétitif ou long et qu'il vous aura plu !

Je reviendrai vers vous pour vous raconter notre journée à Dorchester, chez Thomas Hardy !

 

Article rédigé dans le cadre de A year in England chez Titine !  logo-by-eliza1.jpg

 

Fanny

 

07/04/2016

Jude l'obscur, Thomas Hardy

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Après mon coup de coeur pour Tess d'Urberville et avant d'aller visiter le sud de l'Angleterre d'ici quelques jours, j'ai voulu lire le dernier roman de l'auteur, considéré comme l'ultime chef d'oeuvre de Thomas Hardy : Jude l'obscur, roman à ne pas mettre en des mains tristounettes sans prendre le risque de les rendre encore plus désespérées.

Je ne vous raconterai pas toute l'histoire de Jude, tout d'abord le roman perdrait de son intérêt et je ne suis pas certaine de lui rendre justice. (Mieux vaut ne pas lire la quatrième de couverture du Livre de poche.)

Nous pouvons juste esquisser les premières fondations du roman qui sont si importantes pour la suite. Jude, un jeune orphelin, vit chez sa tante et travaille pour ne pas être considéré comme une bouche inutile à nourrir par sa parente. Lorsque son maître d'école quitte le village au début du roman, il lui fait promettre de ne jamais abandonner ses études et de toujours chercher à se cultiver. Jude fait cette promesse qui va orienter son destin. Dès lors, Jude n'a qu'une obsession: aller à Christminster, ville universitaire et pieuse, pour devenir quelqu'un : un homme cultivé, intelligent, affranchi de la terre et de la misère. Il n'aura de cesse de tendre vers cet objectif mais de nombreuses barrières se dresseront devant lui.

Ces obstacles seront extérieurs: la société telle qu'elle est au XIXe siècle ne permet pas à un petit jeune homme obscur de devenir un grand homme, ne donne ni temps ni forces à un travailleur manuel usé par ses journées de labeur pour s'instruire. De plus, cette société est est composée d'hommes et de femmes rongés par les préjugés, le fanatisme religieux, l'hypocrisie, nourris de scandales, de ragots et qui aiment plus que tout juger leur prochain. Les difficultés rencontrées par Jude seront également liées à sa propre personnalité: sa faiblesse pour l'alcool, sa sensualité qui le pousse dans les bras d'Arabella, sa passion pour Sue, ses propres préjugés et croyances religieuses joueront également contre lui et contre son idéal. Enfin, la pensée de Jude se trouvera confrontée à celle de Sue, sa cousine. Les idées de Jude en seront chamboulées: Jude est croyant, considère les cérémonies et lois religieuses comme sacrées. Sue, plus libre et indépendante que son cousin, est cultivée et possède un esprit critique aiguisé. Sans jamais le dire, ses faits et gestes montrent qu'elle ne croit pas en Dieu et elle rejette les institutions religieuses.

Jude l'obscur est une tragédie moderne : comme chez les Grecs, le "fatum", le destin se joue des personnages. Ils sont quatre: Jude, Sue sa cousine, Arabella une jeune paysanne et Richard un instituteur. Il seront désespérément liés, séparés et amenés à se rencontrer sans cesse au fil du roman. Ils subiront chacun leur tour les choix des autres personnages, le regard et les jugements de leurs contemporains et les nombreux pièges que la société du XIXe siècle tend à l'homme tout au long de sa vie pour le contraindre, le soumettre et anéantir sa liberté: le mariage et la religion. Sue et Jude, couple maudit, ont "cinquante ans d'avance sur leur monde". Influencé par Sue, Jude rejettera les lois sociales et religieuses auxquelles il se soumettait. Ils n'auront de cesse de chercher leur propre bonheur. Petits voiliers pris dans une tempête, ils se battront contre vents et marées pour vivre selon leur bon vouloir et selon leurs propres lois édictées contre celles imposées par la société.

Jude l'obscur a causé tant d'ennuis à Thomas Hardy qu'il n'a plus écrit un seul roman jusqu'à la fin de sa vie. Les thèmes et les propos tenus par les personnages sont résolument modernes. Le roman est une vive critique des lois et de l'institution du mariage. Le mariage n'est qu'une question d'hypocrisie: deux personnes ne peuvent pas ressentir exactement les mêmes sentiments tout au long de leur vie et lorsque ces sentiments sont contraints ils se délitent fatalement. Dieu et les hommes ne devraient pas forcer un couple à se marier.

Pour conclure, parce que si je ne m'arrête pas maintenant, cet avis sera beaucoup trop long, Jude l'obscur est un roman complexe et dense qui s'empare de nombreux sujets qui sont toujours d'actualité. Me mariant moi-même cette année, je n'ai pu rester insensible à toutes les réflexions des personnages concernant cette institution. Cette tragédie est souvent bouleversante même si elle connaît quelques longueurs. Jude l'obscur m'a moins touché que Tess d'Urberville, je dois bien l'admettre. L'écriture de Thomas Hardy est toujours aussi belle et la construction de ses intrigues et leurs rebondissements restent incroyables. Je reste sans voix devant l'audace et la modernité des idées et des critiques de Thomas Hardy qui a toujours des années d'avance pour certains esprits obscurs de 2016.


" Jude sortit, conscient plus que jamais de l'inutilité de son existence ; il s'étendit sur un tas de litière près de l'étable à cochons. Le brouillard était alors devenu plus léger et laissait deviner le soleil. L'enfant tira son chapeau de paille sur son visage et rêvassa, en regardant par les interstices cette clarté blanchâtre. Il voyait que l'âge apporte des responsabilités. Les événements ne s'enchaînaient pas comme il l'aurait pensé. La logique de la Nature était trop horrible pour qu'il s'en souciât. L'idée que ce qui était compassion envers certaines créatures devenait cruauté envers d'autres détruisait tout sentiment d'harmonie. Il s'apercevait qu'en grandissant on se sentait au centre de la vie et non sur un point de la circonférence comme lorsqu'on est petit : cela lui donnait le frisson. Tout autour de lui, il semblait y avoir des choses brillantes, éclatantes, assourdissantes ; ces lueurs et ces bruits frappaient cette petite cellule qui sécrète la vie, la secouaient et la brûlaient. "

Lu dans le cadre du challenge XIXe siècle chez Fanny et de A year in England chez Titine.

Fanny

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26/03/2016

Propos cocasses et insolites entendus en libraire, Jen Campbell

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Les soirs de lassitude professionnelle, chaque lecteur de tous les coins du monde a dû, lors d'un court instant et en imagination, bazarder son métier et rêver de tenir une jolie librairie avec un sol en parquet, des étagères qui sentent bon le bois et un bouquet de fleurs sur "le comptoir". Nous nous sommes tous vus dans une librairie qui ressemble à celle de Meg Ryan dans Vous avez un message, entourés de ces livres que nous aimons et qui nous semblent parfois plus familiers que certains membres de notre famille. Et puis, nous nous réveillons subitement de ce doux rêve.

Jen Campbell nous montre que, contrairement à notre rêve idéaliste, les librairies ne sont pas fréquentées uniquement par des gens instruits, intelligents, aimables, sympathiques et raisonnables.

Propos cocasses et insolites entendus en librairie est une anthologie des choses les plus loufoques, stupides, absurdes, attendrissantes ou drôles que Jen Campbell et d'autres libraires anglophones ont entendu en travaillant. Tout est vrai dans ce recueil. La vie des libraires n'est pas un long fleuve tranquille et nécessite une bonne dose de patience ! Des dessins de Pancho accompagnent les conversations entre le libraire et le client.

J'ai toujours aimé lire les perles liées à mon métier, celui de professeur. Les élèves, leurs parents et les collègues sont une source inépuisable de rigolade. J'avais donc un a priori positif sur Propos cocasses et insolites entendus en librairie et je n'ai pas du tout été déçue ! J'ai beaucoup ri et j'ai partagé certaines conversations entre libraire et client avec les miens. Nous nous moquons souvent de ces clients loufoques, nous nous attendrissons en entendant certaines réflexions enfantines et nous restons parfois sans voix face au sans-gêne ou à l’ignorance de certains.

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Client : " Est-ce que vous avez des livres écrits par Emma Bovary ? "

Client : " Je file au supermarché, juste le temps de faire mes courses pour la semaine. Je dépose mes fils chez vous, OK ? Ils ont trois et cinq ans. Ils ne vous dérangeront pas."

Client: "Je cherche un livre vraiment abominable pour offrir à quelqu'un que je déteste."

Client (en train d'acheter Treize façons de se débarrasser d'un cadavre, murmure sérieusement):  " En fait, vous savez, il en a quatorze .... "

Client: " A votre avis, qu'est-ce que je devrais lire quand je suis dans le métro pour séduire les filles ? "

 

Cette découverte divertissante arrivait à point nommé après la lecture d'une biographie et fut un régal. En commençant, je ne savais pas si j'allais lire ce recueil d'une traite ou parcourir chaque soir une section et un thème. Je l'ai finalement lu sans discontinuité tant il est agréable.

Je remercie Madame Liebow et Les Editions BaKer Street pour cette lecture divertissante.

Fanny

Recueil lu en lecture commune avec Fanny

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18/03/2016

Du fond de mon coeur, Jane Austen et Un portrait de Jane Austen, David Cecil

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Avant mon voyage en terres "austeniennes" et "hardyennes" en avril, j'ai voulu me replonger dans l'univers de notre chère anglaise. J'ai désormais envie de relire tous ses romans !

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J'ai débuté par Du fond de mon coeur, un recueil épistolaire. Jane Austen s'adresse à ses nièces: Fanny, Anna et Caroline. Ces correspondances sont agréables à lire et l'on retrouve le piquant de Jane Austen qui se moque de ses voisins, conseille ses pièces pour leurs propres oeuvres littéraires ou pour leurs histoires amoureuses. Malheureusement, Cassandra, l'aînée de Jane, est passée par là et a découpé dans les lettres de notre Anglaise préférée les extraits trop intimes. Nous n'apprenons rien sur la vie privée de Jane ou sur ses émotions et sentiments. Jane Austen est pudique dans sa correspondance, mais si certaines phrases révélaient un peu trop ses sentiments, nous pouvons être certains qu'elles furent détruites par Cassandra. Jane Austen n'a pas voulu que l'on atteigne son moi profond, il faut nous contenter de deviner sa personnalité à travers son attention pour ses nièces, sa générosité et son ironie. Jane révèle tout de même son art poétique à ses nièces et nous en apprenons ainsi davantage sur son travail de romancière.

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J'ai poursuivi mon parcours dans la vie de Jane par la lecture d'Un portrait de Jane Austen par David Cecil. Le début de ma lecture a été difficile: j'ai eu du mal à accrocher à cette biographique que je trouvais un peu scolaire et lente. Finalement, je suis ravie de l'avoir achevée. David Cecil trace un portrait flou à certains endroits de la romancière faute de témoignages ou d'écrits privés mais la biographie nous apprend énormément sur Jane Austen, sa famille, son époque et sa vision de la littérature. Peut-être que certaines informations ne sont pas analysées d'un point de vue objectif tant l'amour de David Cecil pour Jane Austen est grand, mais peu importe puisque le notre l'est tout autant. Nous nous demandons parfois où est la vérité derrière toute l'admiration de David Cecil qui semble peindre la Jane Austen idéale qu'il a imaginée en lisant ses romans. Jane Austen a voulu rester un mystère pour l'auteur de son époque en signant ses romans sous le pseudonyme "une dame". Des siècles après sa mort, elle semble encore plus inaccessible. Alors, finalement, chaque lecteur peut se construire sa propre Jane Austen.

Pourquoi ne pourrions-nous pas l'imaginer, comme David Cecil, intelligente, pétillante, pudique et drôle ?

"Chaque fois que son imagination commençait à travailler, un sourire se dessinait sur ses lèvres - et il ne les quittait jamais très longtemps. Ce sourire est la signature littéraire qui met un point final à chaque livre."

Fanny

Lu dans le cadre du challenge A year in England chez Titine.3071420461.2.jpg

 

 

26/02/2016

Docteur Glas, Hjalmar Söderberg

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Stockholm, fin du XIXe siècle. Le Docteur Glas tient un journal intime dans lequel il retranscrit sa vie quotidienne, revient sur son passé ou s'interroge sur Dieu, la mort ou l'amour. Il a l'habitude de croiser le chemin de femmes désespérées qui implorent son aide, le plus souvent pour faire disparaître un enfant indésiré. Ses oreilles ne sont pas attentives à ces discours, il ne se laisse pas toucher et se cache toujours derrière son devoir de médecin pour ne pas aider ces jeunes femmes et ne pas risquer de perdre son métier. Lorsque Madame Gregorius lui demande son aide, le docteur change de position. Madame Gregorius est une jeune femme pieuse mariée à un vieil homme qu'elle n'aime pas et n'a jamais aimé. Il est pasteur et elle a cru, en l'épousant, calmer ses troubles. Son mariage n'a fait que les accroître: elle ne le supporte plus physiquement et elle est tombée dans les bras d'un autre. Elle demande alors au docteur de l'aider à éviter tout contact avec son époux. Pris de pitié et surtout charmé par ses atouts, le docteur accepte de faire une exception et l'aide à fuir les bras de son mari. Le docteur finira par s'immiscer plus qu'il n'est convenable dans ce couple en étant le confident de l'épouse désespérée et du mari frustré. Il aime Helga Gregorius et ne ressent petit à petit pour le pasteur Gregorius que haine et dégoût.

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Passé après la lecture de Tess d'Urberville n'est pas une mince affaire mais Hjalmar Söderberg a su relever ce défi. Ce court classique suédois m'a fait penser aux nouvelles de Stefan Zweig. La brièveté du récit n'enlève rien à la densité de l'intrigue ou à la profondeur du héros. Ce "triangle amoureux" sordide est parfois gênant mais il est très intéressant. Aucun des personnage n'est à proprement parler attachants, mais paradoxalement, les interrogations sur le monde, sur la morale, sur la littérature ou sur la vie notées par le docteur dans son journal intime nous touchent et nourrissent nos propres réflexions. Elles sont tour à tour amères ou mélancoliques mais elles sont toujours profondes et souvent modernes pour le XIXe siècle. Ainsi le héros a des opinions très arrêtées sur la religion ou l'euthanasie. Enfin, j'ai aimé déambuler avec le docteur Glas dans Stockholm, une ville que j'ai beaucoup aimée lorsque je l'ai visitée il y a quelques années.
J'ai passé un très bon moment avec ce classique suédois qui est atypique.


Je te remercie vivement Babelio et les Editions Libretto pour cette belle découverte !

" Et depuis quelques temps, j'incline à croire qu'il n'y a sans doute aucune raison à ce que l'on comprenne la vie. Cette rage d'expliquer et de comprendre, cette chasse de la vérité n'est qu'une erreur. Nous bénissons le soleil parce que nous vivons à une telle distance de lui qui nous est utile ; mais quelques millions de kilomètres plus près ou plus loin, nous serions gelés ou consumés. S'il en était de la vérité comme du soleil ? "Celui qui contemple la face de Dieu doit mourir", dit le vieil adage finlandais, et Oedipe, après avoir résolu l'énigme du Sphinx, devint le plus malheureux des hommes."

" Mesure en toute humilité ton état, ta condition d'habitant de la terre. Alors la vie deviendra quelque chose d'important et la nuit sera éternelle et profonde."

Fanny

Lu dans le cadre du Challenge XIXe siècle chez Fanny.

 

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