01/10/2020
L'Autre Rimbaud, David Le Bailly
Et si l'on oubliait quelques instants le fascinant Arthur Rimbaud pour se tourner vers son frère aîné, Frédéric, dissimulé par le halo de lumière émanant de son cadet ?
C'est le pari plus que réussi que s'est lancé David Le Bailly dans son roman-enquête L'Autre Rimbaud. De traces de Frédéric, il n'en reste presque plus, ni dans l'Histoire de la littérature, ni dans les biographies du poète, ni même dans le récit familial des descendants.
Pourtant, enfants, Frédéric et Arthur étaient inséparables, traînant ensemble leur ennui à Charleville-Mézières, partageant leurs amis et leurs ressentiments contre leur mère. L'un est devenu un poète, un aventurier, un trafiquant d'armes, une lumière brillant inlassablement dans l'Histoire de la littérature. L'autre est devenu un époux, un père, un conducteur de calèche et un homme banni par une famille toute entière.
Comment l'aîné du poète a-t-il pu à ce point disparaître du récit de la vie d'Arthur au profit de la figure omniprésente de la mère Rimb', comme l'appelait le poète, et d'Isabelle, la cadette bigote ?
C'est tout d'abord sa silhouette sur une photographie du poète enfant que l'on efface. C'est son nom que l'on oublie parmi les invités à l'enterrement du poète. Puis, c'est lui-même et ses descendants que l'on spolie des droits sur l'œuvre d'Arthur. Et même après sa mort, la conspiration familiale pour ostraciser Frédéric se poursuit.
Alternant l'enquête présente et le récit de la vie de l'aîné Rimbaud, David Le Bailly entraîne le lecteur dans une histoire méconnue et passionnante. On croyait en savoir beaucoup sur le poète, on découvre une part d'ombre sur laquelle le journaliste lève le voile. Au détour des mésaventures de Frédéric, c'est l'histoire de toutes les familles sillonnées de secrets, y compris la sienne, que le journaliste dissèque d'une plume belle et vivante.
L'Autre Rimbaud se lit d'une traite. C'est beau, sensible, intelligent, passionnant, un coup de cœur.
" Longtemps, l'amour leur était resté un monde inconnu, et quand ils l'avaient découvert, ce fut à la manière de pauvres aveugles : tâtonnant, main tendue comme des mendiants, sans cesse se cognant.
" Ce qui fait ma supériorité, c'est que je n'ai pas de cœur" , avait longtemps fanfaronné Arthur.
En réalité, les enfants Rimbaud étaient des infirmes, des éclopés. "
Merci Babelio et les Editions L'Iconoclaste.
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