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24/11/2015

Sylphide fée des forêts, Philippe Lechermeier et Olivier Desvaux

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Chaque nuit James rêve d'une belle sylphide embaumant la forêt qui vient danser pour lui. Le jeune homme est sur le point de se marier avec la douce Effie, la plus belle jeune fille de la région. Tous les jeunes hommes l'envient mais James, lui, ne pense qu'à cette mystérieuse créature qui le hante.

Le jour du mariage, une vieille femme vivant dans les bois et ayant des dons de sorcellerie cherche refuge chez les futurs époux. James la rejette alors qu'Effie lui demande de lui prédire l'avenir. Madge la sorcière lui annonce que son futur époux ne l'aime pas et en aime follement une autre. James persuade Effie du contraire et le mariage a finalement lieu. Alors que les époux échangent leur alliance, la sylphide apparaît et vole la bague de la mariée. James se lance alors à sa poursuite dans les bois. En courant désespérement après l'incarnation de la jeune femme parfaite mais imaginaire, James prend le risque de perdre Effie et Magde, la sorcière qu'il a repoussée, est bien décidée à se venger ...

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Cet album est une réécriture du ballet La Sylphide crée en 1832 par Philippe Taglioni. Les peintures d'Olivier Desvaux, dominées par des couleurs lumineuses, sont magnifiques et nous invitent dans l'univers mystérieux et poétique de la Sylphide. J'ai particulièrement aimé la grâce et l'élégance des figures féminines que ce soient les fées mais aussi la mariée. Elles nous rappellent toutes de délicates danseuses classiques. Les textes de Philippe Lechermeier sont poétiques et raffinés à l'image de la délicate Sylphide.

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Cette réécriture est un délice pour les petits relativement grands (les tout petits risquent de ne pas être sensibles à l'intrigue matrimoniale) et pour les adultes.

Je remercie vivement Babelio et les éditions Gautier Languereau pour cet album féerique.

Fanny

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10/11/2015

La Splendeur des Lansing, Edith Wharton

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Chez Romanza, je m'étais fixée comme challenge pour l'année de lire trois romans d'Edith Wharton et nous en sommes bien loin puisque c'est le premier que je lis de l'année (mais je ne désespère pas d'en lire une deuxième d'ici la fin de l'année !).

J'avais énormément aimé Chez les heureux du monde et Le Temps de l'innocence et je désirais découvrir un peu plus cette grande auteure américaine.

La Splendeur des Lansing débute par la lune de miel de Nick Lansing et de sa jeune épouse Susy. Nick et Susy, pauvres parmi les riches, ont toujours vécu de la générosité de leurs protecteurs et des services honnêtes ou malhonnêtes qu'ils leur rendaient en échange. Ils s'aiment, se marient à la grande surprise du beau monde qui les entoure et décident de passer un pacte : ils resteront ensemble autant qu'ils le pourront en vivant des générosités de leur entourage et si l'un des deux trouve un parti plus enviable l'autre doit le laisser briser les liens du mariage. En sachant pertinemment qu'ils vivent sur le dos de cette société hypocrite qui est la leur et qu'ils ne sont pas prêts à travailler ou à abandonner le luxe auquel ils sont trop attachés, ils devinent que leurs jours ensemble sont comptés et qu'un jour viendra où le piège de cette dépendance vis-à-vis des autres se fermera sur eux. Ils passent leur lune de miel chez divers amis qui leur prêtent leur villa ou leur palais vénitien et qui vienne rendre visite au jeune couple. Tout semble merveilleux, jusqu'au jour où Susy, déterminée à "se débrouiller" pour assurer à son couple une vie paisible, accepte de mentir et de poster des lettres de la propriétaire du palais vénitien à son mari pendant que cette dernière se trouve avec son amant. Réprimant sa conscience, Susy accepte cet échange de services alors que Nick réalise soudainement que les choses vont bien trop loin et qu'ils vivent grâce à l'hypocrisie de leurs "amis".

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Edith Wharton est un grand peintre des splendeurs et misères du beau monde du début du Xxe siècle qui s'arrache le dernier manteau à la monde, qui possède un appartement à New-York, une maison coquette dans la campagne parisienne et un palais à Venise. Elle les peint avec férocité et ironie pour exposer aux yeux de tous leurs mensonges, leurs hypocrisies et leurs vies amorales où les amitiés sont intéressées, les mariages minés par l'adultère et les enfants abandonnés aux soins des nourrices. Au milieu de cette foule déchaînée, le lecteur rencontre Susy et Nick, plein de bons sentiments mais dont la conscience est tourmentée. Pourquoi abandonner cette vie facile qu'ils ont toujours eue ? Ne méritent-ils pas mieux que ces mensonges et arrangements ?

La Splendeur des Lansing est une sorte de roman initiatique dans lequel Nick et Susy font leur propre éducation amoureuse et consciencieuse au milieu de ce tumulte.

J'ai aimé le portrait mordant de cette époque et de cette société hypocrite et celui des deux héros mais j'ai trouvé quelques longueurs à ce roman. Comme toujours, la plume distinguée d'Edith Wharton est pleine de charme. La Splendeur des Lansing est agréable à lire mais il ne possède pas les qualités et le charme du Temps de l'innoncence ou de Chez les heureux du monde.

Fanny

Lu dans le cadre du challenge Myself 2015 chez Romanza tumblr_llgpv5j6Ag1qb0j8no1_250.jpg

 

 

 

 

19/10/2015

Hiver, Christopher Nicholson

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Après avoir lu et adoré Loin de la foule déchaînée et Une femme d'imagination et autres contes, je me suis précipitée sur Hiver lorsque Babelio et La Table ronde ont proposé de le recevoir lors de la dernière masse critique. Je les remercie vivement pour cette belle découverte.

Comme un invité de marque, Christopher Nicholson guide le lecteur dès la première page sur le chemin de terre qui mène au cottage des Hardy et nous montre du doigt le vieux monsieur qui descend l'allée de son jardin jusqu'à son portail blanc accompagné de son fidèle Wessex. La vie quotidienne du grand auteur célébré par toute l'Angleterre est strictement organisée: tous les matins, Thomas Hardy promène son chien dans le jardin et malgré ses quatre-vingt-quatre ans il passe le reste de la journée dans son bureau à écrire pendant que Florence, sa seconde épouse de quarante-cinq ans, écrit sa biographie ou répond à son courrier. Même si sa feuille reste vierge, l'auteur n'envisage pas de quitter son bureau sur lequel il s'imagine mourir d'ici peu. Ces journées improductives sont alors pour lui l'occasion de se replonger dans son passée, de se remémorer des souvenirs heureux ou malheureux avec sa première épouse ou simplement de penser à la première adaptation de Tess d'Uberville qui se prépare.

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Après avoir défendu bec et ongles son roman préféré, Thomas Hardy a finalement accepté qu'il soit adapté au théâtre. Comme un dernier sursaut avant la mort, il est tombé sous le charme de la jeune femme de vingt-cinq qui joue Tess: Gertrude Bugler. Et comme le hasard se mêle de tout, il se trouve que Gerturde est la fille de cette mystérieuse et belle paysanne qu'Hardy rencontra un jour de promenade et dont il s'inspira pour créer son personnage. Florence est aux aguets et tente de refréner les élans amoureux et tardifs de son mari. Mais Florence doit également mener d'autres combats : elle est hantée par la première épouse de son mari qui a laissé sur la maison une trace indélébile, elle se sent prisonnière de cette maison froide et sombre à cause des arbres dont elle ne supporte plus l'ombre et qui ne cessent de croître et elle souffre de l'indifférence de son mari.

Elle se trouve reléguée au sombre rôle de secrétaire alors qu'elle a tout sacrifié pour lui et que désormais il n'a plus d'yeux que pour une jeune femme qui joue faux selon Florence et qui n'est pas aussi belle qu'on veut bien le dire.

Hiver n'est ni une biographie distanciée ni une biographie romancée. Hiver est plutôt une sorte de promenade que nous faisons dans le Dorset en tenant le bras de Thomas Hardy d'un côté et de l'autre celui de Florence Hardy.

Nicholson donne la voix à chaque personnage et le narrateur change d'un chapitre à l'autre: les événements sont décrits par Hardy, Florence et Gertrude. Gertrude, le dernier amour oublié de la biographie sur Thomas écrite par Florence, a enfin son mot à dire. Ce changement de narrateur nous laisse percevoir tous les sentiments que les personnages n'osent pas exprimer et permettent au lecteur d'approcher la résignation du grand auteur qui sent sa fin venir ou d'imaginer le désespoir et les regrets de Florence.

Le lecteur est immergé dans l'intimité du couple et assiste au lent et douloureux effondrement du couple et de l'auteur. Je trouve que la psychologie des personnages est parfaitement campée, à tel point que le lecteur a l'impression d'être oppressé comme Florence lorsqu'elle devient narratrice. J'étais parfois mal à l'aise parce que j'avais l'impression d'être dans une position de voyeurisme vis-à-vis de cette femme encore jeune mais qui donne l'impression d'être si vieille et de ce vieux monsieur dont les élans ne sont plus de son âge. Certaines pages sur le temps, sur la dissolution du couple, sur le vieillissement, sur la gloire et sur la mort sont magnifiques, nous touchent droit au coeur et apportent à l'oeuvre une tonalité mélancolique.

"Il avait passé sa vie professionnelle à fréquenter les morts, les ressuscitant sous diverses apparences imaginaires: il ne parvenait pourtant pas, quand on l'y acculait, à croire à l'existence d'une vie après la mort, à tout le moins au sens d'une vie après la mort qui serait une prolongation de l'existence terrestre. Il y avait trop d'arguments contre, en dépit de tout le mal que s'étaient donné les spirites. Mais l'idée d'un sursis, d'un retrait progressif plutôt que soudain parmi les ombres, lui plaisait encore. "

Les descriptions de la nature et de l'Angleterre du début du Xxe siècle sont très bien rendues. Nous avons l'impression d'être au coin du feu, dans un fauteuil près de celui de Thomas Hardy en buvant un thé en compagnie de James Matthew Barrie alors que le vent souffle en rafales à l'extérieur.

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Hiver ne se lit pas d'une traite mais il se lit au coin d'un feu, sous un plaid et dans un silence absolu pour que les mots résonnent plus longtemps en nous. Vous l'aurez compris, l'écriture de Christopher Nicholson et Hiver m'ont séduite. 

Fanny

 

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Lu dans le cadre A year in England  

10/09/2015

Les jours fragiles, Philippe Besson

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Le poète génial, l'ancien adolescent révolté, l'aventurier africain est de retour en France. Isabelle ne l'attendait plus, ne l'espérait plus. Le roman est le journal de cette petite soeur qui connaît mal ce frère constamment fuyant. Elle sait bien qu'il n'est revenu que parce qu'il en a été forcé. Arthur Rimbaud doit soigner son genou infecté. A Marseille, son mal est plus grand qu'il ne l'imaginait et les médecins l'amputent. Coincé dans cet hopital, souffrant atrocement, Arthur espère infiniment retourner en Afrique. Il n'a que cette idée en tête comme s'il n'avait pas compris que ses expéditions n'auront plus jamais lieu. Son état s'aggrave.

Le poète désire rentrer une dernière fois dans les Ardennes, chez celle qu'il surnomme la mère Rimb' pour retrouver sa soeur Isabelle qui n'a pas pu le rejoindre à Marseille et pour revoir cette terre qu'il a voulue fuir toute sa vie et qu'il déteste tant. Isabelle observe les retrouvailles de Rimbaud et de sa maison d'enfance, les silences qui séparent chaque jour un peu plus le fils et sa mère et le poète lui confie certains de ses secrets et de ses souvenirs.

 

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Ce séjour d'un mois semble déjà trop long à celui qui reste l'adolescent en colère: malgré ses nombreuses souffrances, Arthur veut repartir au plus vite en Afrique et pour cela il est prêt à tout. Isabelle consigne ses peurs, celles de son frères également, son désespoir lorsqu'elle comprend que son frère est perdu mais aussi ses inquiétudes concernant la postérité d'Arthur et l'Enfer qui l'attend après sa mort si elle ne parvient pas à le sauver malgré lui.

Je n'ai encore jamais lu de Philippe Besson mais aimant énormément Rimbaud j'ai eu envie de me plonger dans ce roman. L'auteur prête sa voix à une femme empêtrée dans les carcans de ce siècle, étouffée par sa mère, par ses croyances catholiques et par sa relation compliquée avec son frère. Nous pouvons percevoir l'influence importante qu'Isabelle a eu sur la postérité d'Arthur. Elle a tenté de mystifier la vérité et de lisser le portrait de ce génie qui a voulu vivre toutes les expériences. L'auteur utilise un style simple et mélancolique et rend ainsi les derniers mois du poète émouvants. Les jours fragiles est un livre intéressant pour mieux connaître le poète et bien écrit mais il ne fut pas pour moi un coup de coeur.

"Je reviendrai, avec des membres de fer, la peau sombre, l'oeil furieux: sur mon masque, on me jugera d'une race forte. J'aurai de l'or: je serai oisif et brutal. Les femmes soignent ces féroces infirmes retour des pays chauds. Je serai [...] sauvé." Rimbaud,  Une Saison en enfer

 

Lu dans le cadre du challenge XIXe siècle chez Fanny

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Fanny

17/08/2015

Le roman de monsieur Molière, Mikhaïl Boulgakov

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Assis face à une feuille de papier dans sa maison russe, Mikhaïl Boulgakov imagine en 1932 la naissance de Jean-Baptiste Poquelin et donne des conseils à l'accoucheuse pour qu'elle mette au monde sans maux cet enfant qui sera un génie. L'auteur russe, amateur de théâtre et adorateur de Molière, nous raconte l'enfance du comédien, ses journées passées dans les théâtres parisiens avec son grand-père, ses disputes avec son père tapissier du roi et son envol hors de la maison lorsqu'il décide de monter sa troupe de comédiens au grand désespoir de son père. Les ennuis débutent alors pour Molière qui forme un couple passionné par le théâtre avec Béjart et prêt à tout pour se faire un nom sur les planches. Les honneurs, la protection de Louis XIV, la gloire et les haines des hommes d'Eglise, des médecins, des Précieuses, des auteurs et comédiens jalousant son succès inspirées par ses oeuvres Tartuffe, Les Précieuses ridicules et Dom Juan.

Mikhaïl Boulgakov retrace la vie du comédien avec passion et brio. L'auteur russe aime profondément le dramaturge français et cet attachement rend ce livre très touchant. Ce n'est pas une biographie froide et neutre mais une ode au théâtre et une déclaration d'amour à Molière. Le roman de Monsieur Molière est passionnant. J'ai eu envie de le lire parce que j'aime cet auteur mais je pense que des lecteurs n'appréciant pas forcément ses pièces peuvent lire avec plaisir ce roman. Au collège, je n'aimais pas particulièrement Molière lorsqu'on l'étudiait en classe mais en le lisant en prépa et à la fac j'ai appris à aimer Molière et à comprendre son immense génie et sa modernité. Boulgakov ne raconte pas que la vie de Molière mais il narre également les aventures et déboires des comédiens et auteurs de l'époque et la vie à Versailles. J'ai beaucoup aimé l'écriture de Mikhaïl Boulgakov empreinte d'ironie et qui écorche les médecins de l'époque, les catholiques et leurs représentants et les ennemis de la culture et du rire. Le roman de monsieur Molière est un monument à la gloire du comédien érigé avec amour et admiration.

" Une accoucheuse qui avait appris son art à la maternité de l’Hôtel-Dieu de Paris sous la direction de la fameuse Louise Bourgeois délivra le 13 janvier 1622 la très aimable madame Poquelin, née Cressé, d’un premier enfant, un prématuré de sexe masculin.
Je peux vous dire sans crainte de me tromper que si j’avais pu expliquer à l’honorable sage-femme qui était celui qu’elle mettait au monde, elle eût pu d’émotion causer quelque dommage au nourrisson, et du même coup à la France.
Et voilà : j’ai une veste aux poches immenses et à la main une plume non d’acier, mais d’oie.
Devant moi se consument des bougies de cire, et mon cerveau est enflammé.- Madame, dis-je, faites attention au bébé, n’oubliez pas qu’il est né avant terme. La mort de ce bébé serait une très grande perte pour votre pays.- Mon Dieu ! Madame Poquelin en fera un autre
- Madame Poquelin n’en fera jamais plus un semblable, et aucune dame n’en fera de semblable avant un certain nombre de siècles."

Fanny

31/07/2015

Nous étions les Mulvaney, Joyce Carol Oates

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Dans les années 70, la famille Mulvaney vit à Mont-Ephraim, une petite ville rurale des Etats-Unis située dans l'Etat de New York. Cette famille est heureuse et vit en harmonie avec les animaux et la terre dans une ferme qui est si importante pour eux qu'elle devient un véritable personnage dans le roman. Les quatre enfants du couple Mulvaney, Mike, Marianne, Patrick et Judd s'aiment et vivent un bonheur qui semble idyllique. La famille Mulvaney est parfaite et chaque être humain sain d'esprit rêverait d'en avoir une identique.

Judd, le narrateur et le cadet de la famille, est âgé d'une trentaine d'années lorsqu'il décide de raconter l'histoire de sa famille et de lever le voile sur toutes ces années qu'il n'a pas comprises et durant lesquelles sa famille si formidable s'est désagrégée. Dès la première page le lecteur comprend que quelque chose de grave s'est produit et que cette famille enviée par tous a été la victime des quolibets, de la jalousie et de la bêtise des habitants de leur petite ville. Leur bêtise et leur violence les a détruits et Judd cherche à comprendre comment cela a pu se produire.

Joyce Carol Oates dresse le portrait de cette famille heureuse durant les deux cents premières pages de son roman et le lecteur averti cherche à deviner ce qu'il va bien pouvoir arriver. Les possibilités se réduisent rapidement et le lecteur comprend ce qu'il va arriver à l'unique fille de la fratrie des Mulvaney. (Le roman ne reposant pas sur le suspense je me permets de vous dire ce qu'il va se passer mais si vous ne voulez pas le savoir arrêtez votre lecture ici !).

Lors du bal de la Saint-Valentin, Marianne, ivre, est violée par un camarade de classe de son frère Patrick. La honte et la culpabilité l'empêchent de parler et de porter plainte contre le jeune homme. Marianne s'enferme dans un silence destructeur et la colère et le désespoir de la famille ne font que croître. Partout, dans la ville et dans le lycée, on entend des quolibets et des commérages. Finalement, les Mulvaney n'ont que ce qu'ils méritent, pense la plupart des gens.

Le lecteur souffre bien entendu avec cette famille qu'il a appris à aimer dès le début du roman, comme le père il désire aller tuer ce jeune homme, comme Patrick il ne supporte pas de le voir assis en classe comme si de rien n'était et comme Marianne, il cherche une consolation quelconque.

Puis, le couple honteux n'a plus rien à offrir à leur fille désespérée. Elle est la cause de leur rejet par les gens de la ville et ils n'osent plus poser les yeux sur elle. Marianne s'en va, elle est exilée par ses parents. La fracture de la famille vient de ce choix lâche des parents. Judd, trop petit au moment des faits, n'a pas vraiment compris ce qu'il se passait et pourquoi Marianne vivait chez une tante loin de la ferme et n'était pas invitée à passer Noël avec eux. Mike et Patrick en veulent à leurs parents et détestent la lâcheté de leur père qui a choisi d'abandonner Marianne. Joyce Carol Oates pointe du doigt l'hypocrisie de la société américaine dans laquelle le paraître est roi et où les commérages se mêlent à la vérité sans que l'on cherche à les distinguer. Elle écorche également ce couple Mulvaney qui semble être un modèle et qui finalement est trop puritain et pas assez courageux pour défendre leur fille. Les deux aînés quittent la maison et s'éloignent de Judd et de leurs parents.

Chaque chapitre suit alors un personnage différent et nous montre comment il tente de se reconstruire loin et sans cette famille qui se désagrège petit à petit. Il ne reste rien des flamboyants Mulvaney du début du roman.

J'ai eu un véritable coup de coeur pour Blonde qui fait partie de mes romans préférés et j'ai eu envie de découvrir un nouveau roman de Joyce Carol Oates cet été. Nous étions les Mulvaney n'est pas un coup de coeur mais j'ai beaucoup aimé ce pavé. Je trouve que ce roman est construit avec une grande intelligence et une grande sensiblité. La narration est particulièrement ingénieuse: en racontant l'histoire de la destruction de sa famille, Judd cherche à  assembler les différentes pièces de puzzle mais il veut aussi comprendre comment un événement peut ruiner la vie de toute une famille.

" Les familles sont comme ça, parfois. Quelque chose se détraque et personne ne sait quoi faire et les années passent...et personne ne sait quoi faire. "

La romancière est impitoyable avec la société américaine et avec cette culture du paraître et j'ai également aimé qu'elle égratigne l'image idyllique donnée par les parents. L'écriture de Joyce Carol Oates est très belle. Pour conclure, Nous étions les Mulvaney est un roman poignant et sensible qui ne peut pas laisser insensible son lecteur.

"Mais ce document n’est pas une confession. Absolument pas. J’y verrais plutôt un album de famille. Comme maman n’en a jamais tenu, totalement véridique. Comme la mère de personne n’en tient. Mais, si vous avez été enfant dans une famille, quelle qu’elle soit, vous en tenez un, fait de souvenirs, de conjectures, de nostalgie, et c’est l’oeuvre d’une vie, peut-être la grande et la seule oeuvre de votre vie. "

Fanny

08/07/2015

Kouri, Dorothée Werner

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En février 1950, une rescapée d'un camp de la mort traverse la France et l'Allemagne en train pour aller témoigner au procès de deux anciennes gardiennes du camp.

Cette femme, surnommée Kouri par les résistants, est Germaine Tillion. Ce voyage sera l'occasion pour Kouri de replonger dans son passé et de se confronter à ses souvenirs du Monde Noir qu'elle ne parvient pas à regarder en face. Ce grand plongeon dans ces malheurs passés qui la poursuivront jusqu'à la fin de sa vie sont nécessaires puisqu'ils lui permettront de faire un choix. Les deux anciennes gardiennes du camp sont jugées pour avoir tranché la tête de prisonnières de camp. Kouri les croit innocentes de ces actes barbares en particulier mais elle sait également qu'elles en ont commis bien d'autres. Alors que faire ? Témoigner contre ces deux femmes qui ont recommencé leur petite vie tranquillement après la guerre, comme si de rien n'était? Les faire condamner pour un crime qu'elles n'ont pas commis et venger enfin, leurs victimes de toutes les autres horreurs qu'elles ont commises dans le camp? Ou alors défendre coûte que coûte la vérité quitte à ce que ces deux monstres soient relâchés? Opter pour la vérité n'est-ce pas trahir tous ces morts ? Mentir n'est-ce pas trahir ce pour quoi ces femmes ont cherché à survivre dans cet Enfer, c'est-à-dire trahir ce besoin de crier haut et fort la vérité et de dénoncer le sort qu'elles ont subi ?

Kouri sait que son témoignage pourrait faire basculer le verdict. Le lecteur plonge dans son esprit qui tente de résoudre ce dilemme en se remémorant certains épisodes de sa vie en Afrique lorsqu'elle était ethnologue, puis ces terribles moments dans les camps avec sa mère et enfin la libération et le retour à une vie dite normale mais qui ne le sera plus jamais. Kouri revoit ses chers disparus; son père décédé lorsqu'elle était enfant, sa nourrice, sa mère et ses amies mortes dans les camps mais aussi l'homme qui l'a trahie ou les bourreaux du Monde Noir.

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Ce roman est un long monologue qui s'inspire de faits réels mais qui n'est pas une biographie de Germaine Tillion. J'ai trouvé qu'il était plutôt difficile de débuter le roman. La forme peut surprendre puisqu'il ne se passe presque rien dans ce roman: les pensées vont et viennent et le lecteur les suit uniquement. Je crois que j'ai également mis du temps à accrocher à ce roman pour une cause qui lui est extérieure: j'avais envie de découvrir un peu plus la vie de Germaine Tillion récemment inhumée au Panthéon mais en ce début de vacances cette lecture était grave et peu légère. Le style de Dorothée Werner est très beau. Une fois que l'on s'est plongé dans le début du roman, la suite se lit avec beaucoup de plaisir. Enfin, l'auteur pose des questions primordiales et qu'il est important d'avoir à l'esprit tout au long de notre vie sur le courage face à des événements extraordinaires, la justice et le plus souvent l'échec de la justice face à la barbarie, l'insoumission, la lâcheté, l'honneur, la fidélité à soi même et aux siens et le devoir de vérité et de mémoire.

Je remercie Babelio et les éditions JC Lattès pour cette lecture enrichissante ! 

Fanny

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