02/04/2017
La revue d'Art Dada, Camille Claudel, Avril 2017
A l'occasion de l'ouverture du musée Camille Claudel à Nogent-sur-Seine, la revue Dada d'avril fait découvrir la grande sculptrice aux enfants et adolescents. Une dizaine de pages retracent le parcours artistique de Camille Claudel en lien avec sa vie privée en présentant les œuvres que le visiteur pourra découvrir à Nogent-sur-Seine.
J'ai beaucoup aimé la démarche pédagogique de la revue vis-à-vis de son jeune lecteur. Le magazine est exigeant avec ses lecteurs: il leur offre beaucoup de connaissances et les textes sont bien écrits mais ils ne sont pas complexifiés par du vocabulaire technique. Le magazine créé des liens entre les œuvres de Camille Claudel et de ses maîtres Alfred Boucher et Auguste Robin et rend ces comparaisons bien plus évidentes en proposant les photographies côté à côté des deux sculptures comparées. Le jeune lecteur est toujours sollicité par des textes qui l'interpellent directement en utilisant des verbes à l'impératif pour l'inclure et lui donner l'impression de lire une leçon.
Dada propose également deux ateliers "sculptures" pour donner libre cours à la créativité des lecteurs. On sent vraiment que le lecteur est au centre de la revue, qu'il est sa première préoccupation et cela est appréciable. La revue fait également un point sur l'actualité artistique en France en présentant les expositions en cours et en étudiant plus précisément l'oeuvre de l'une d'elle. Ce numéro explique plus particulièrement le tableau Christ et la femme adultère de Valentin de Boulogne.
Enfin, le magazine est beau esthétiquement. Il est assez documenté et exigeant pour plaire aussi aux adultes. J'aime Camille Claudel depuis quelques années et j'avais des connaissances sur son sujet mais j'ai tout de même appris des petites choses en lisant ce magazine. Cette revue d'art est donc une très belle découverte pour moi!
Je remercie vivement Babelio et La Revue d'art Dada !
Fanny
16:58 Publié dans Livres, Livres pour enfants, Partenariats | Lien permanent | Commentaires (1)
13/02/2017
Les Milles veuves, Damien Murith
La masse critique de Babelio me permet de découvrir des maisons d'édition et des auteurs rares en librairie et que je n'aurais certainement jamais lus . Et quelle découverte cette fois-ci ! Les Milles veuves est mon premier coup de coeur de ce début d'année.
Je n'ai jamais rien lu qui ressemble aux Mille veuves de Damien Murith.
Ce court roman est une succession de poèmes en prose qui nous racontent la vie d'hommes et de femmes vivant dans un petit port. Chaque petit chapitre est le portrait d'un homme ou d'une femme ou le tableau d'un paysage maritime. Mis bout à bout, ils forment la fresque d'un village de bord de mer des siècles passés. Le quotidien de ce port est fait d'attentes pour les femmes et de départs renouvelés pour les hommes. Mathilde tremble ainsi chaque instant : de peur que Gilles ne revienne pas de son voyage en mer et de crainte qu'il reparte encore et toujours lorsqu'il est enfin revenu. La mer est l'héroïne du roman: la rumeur de ses vagues tumultueuses ou paisibles est un murmure qui parcourt toute l'oeuvre. Elle est au cœur du destin de tous les personnages : elle est le décor omniprésent et, telle une Parques, elle fait vivre ou mourir les hommes. Aux plaintes des épouses et à l'écho des vagues se mêle la voix d'une sorcière, rejetée par tous, qui maudit ces marins possédés par l'envie de voyager et ces femmes qui attendent patiemment et avec terreur leur retour.
Ce court roman est d'une puissance et d'une beauté extrêmes. Le lecteur est happé et envoûté par les voix fantasmagoriques de cette mer dangereuse, de cette sorcière, de ces hommes en mal d'aventures et de ces femmes inquiètes. L' écriture m'a fait penser à celle de Colette: elle est sensuelle et incantatoire. Elle se lit à voix haute pour profiter de chaque mot. Grâce à cette écriture sensuelle, Les Milles veuves sent les odeurs douces et amères de la mer, du sel et des algues, le bruit des pages qui se tournent et les allitérations et assonances du texte nous font entendre l'écho des vagues.
Poème en prose, conte de sorcière, chant de marins, tragédie bouleversante, Les Mille veuves est tout cela.
" Je suis la boiteuse, la tordue, la désarticulée.
Ils me disent : "Vilaine !", ils me disent "Sorcière !", et leurs yeux brillent rouges comme ceux des fous.
Qu'ils me pendent ! Qu'ils me brûlent ! Mes lèvres auront toujours assez de force pour cracher.
Mon corps est une ruine; les ronces le rongent. Comme des larmes, elles pénètrent ma chair, lacèrent peau, muscles, tendons, enserrent mes os qui se fendent, qui éclatent comme la roche quand le gel étrangle, et dans mes veines vibre un sang barbelé, il cherche le coeur, le trouve, le met en pièce, la douleur m'assiège, elle brûle, elle écrase, elle arrache, elle crucifie, ma bouche aux sourires morts s'ouvre, crie : "Vos âmes sont des taudis, je vous hais ! je vous maudis ! et avec mes ongles, je gratterai la terre pour y creuser vos tombes !". "
Merci à Babelio et aux éditions L'Âge d'homme.
Fanny
12:17 Publié dans Les classiques, Livres, Partenariats | Lien permanent | Commentaires (6)
01/02/2017
Le détective détraqué ou les mésaventures de Sherlock Holmes
Afin d'être sensible aux parodies contenues dans Le détective détraqué ou les mésaventures de Sherlock Holmes j'ai voulu me replonger dans une aventure inventée par Conan Doyle. Je n'en avais plus lue depuis mon adolescence et c'est avec beaucoup de bonheur que j'ai lu Une étude en rouge. Si vous aimez le plus célèbre des détectives, ce recueil de nouvelles est une petite pépite faite pour vous !
Le détective détraqué ou les mésaventures de Sherlock Holmes rassemble des dessins en noir et blanc de trois illustrateurs différents qui parcourent l'ensemble du livre et rendent l'objet très beau.
Ce recueil contient aussi des parodies des aventures du célèbre détective et de son acolyte. Ces réécritures sont autant d'hommages rendus à Sherlock Holmes par des admirateurs de Conan Doyle. Ces courts textes peuvent être tendres, cocasses ou encore satiriques et datent des XIXe, XXe et XXIe siècle. Ils ont été écrits par de grandes plumes comme James Matthew Barrie, Maurice Leblanc, Jean Giraudoux, Jack London ou Conan Doyle lui-même mais aussi par des admirateurs de Sherlock Holmes moins connus.
Tous ces textes apportent quelque chose de différent à l'image du mythe anglais et nous permettent de découvrir les mille et un visages de Sherlock Holmes et Watson.
Ainsi, les deux amis résolvent des énigmes totalement farfelues ou très compliquées à Londres, à New York ou encore à Prague ! Le détective et le docteur sont partout et leurs enquêtes transcendent toutes les époques : Sherlock Holmes est appelé à la rescousse par un homme suspecté d'avoir tué sa maîtresse prêt à le quitter, il aide son frère à tirer au clair un scandale qui n'est pas sans rappeler celui de Dominique Strauss-Kahn et il tente de prouver l'inefficacité de Scotland Yard.
Ces enquêtes ne sont pas les seules aventures du détective : il simule sa mort pour se débarrasser de son acolyte encombrant, il est remplacé par sa fille, ridiculisé par Arsène Lupin mais il aussi est sommé de quitter sa résidence de Baker Street par sa propriétaire agacée par les dégâts engendrés par ses enquêtes.
Parmi tous ces textes, j'ai eu trois coups de coeur. J'ai particulièrement aimé la parodie de James Matthew Barrie dans laquelle l'auteur écossais se représente aux côtés de son ami Arthur Conan Doyle afin d'interroger le détective pour comprendre les raisons de l'échec de la pièce de théâtre qu'ils ont écrite ensemble. J'ai été très touchée par l'hommage de Jack London, rêvant toute sa vie de rencontrer son idole, Conan Doyle, qui l'a amené à la lecture et à l'écriture. Enfin, j'ai été séduite par l'aventure qui oppose le détective anglais à Arsène Lupin.
Pour conclure, toutes ces parodies se dégustent comme des bonbons et font le bonheur des amoureux de Sherlock Holmes et du docteur Watson.
Je remercie Madame Liebow et les éditions Baker Street.
Lu dans le cadre de A year in England chez Martine.
Fanny
16:20 Publié dans A year in England, Challenges, Les contemporains, Livres, Partenariats | Lien permanent | Commentaires (2)
07/12/2016
Mes souvenirs de Jane Austen, James Edward Austen-Leigh
A la fin de sa vie, James Edward Austen-Leigh, témoin du succès des romans de Jane Austen près de cinquante ans après sa disparition, décide de consigner les souvenirs de celle qui fut sa chère tante et une auteur discrète mais déterminée.
Mes souvenirs de Jane Austen est la première biographie de la romancière. Même si l'auteur est décédée alors que son neveu n'était qu'un adolescent, il est celui qui est le mieux à même de parler de Jane Austen. Aidé par les autres neveux et nièces de la romancière, James Edward dresse tout d'abord le portrait d'une tante joyeuse, à l'écoute, toujours prête à jouer avec les enfants et à leur raconter des histoires. Elle était véritablement le soleil de la maison et les enfants la suivaient partout à Chawton.
James Edward remonte également dans le temps, au-delà de sa propre naissance, pour décrire la jeune fille déjà davantage passionnée par l'écriture et par les péripéties de ses héroïnes que par ses propres aventures sentimentales. James Edward nous plonge dans la vie de Jane Austen et de sa famille à Stevenson, Bath, Southampton et enfin Chawton et nous explique comment ces déménagements furent tour à tour des freins ou des moteurs pour l'écriture de Jane Austen. Ainsi, à Bath, en grande observatrice, Jane Austen analyse la nature humaine, les mœurs et habitudes de ses contemporains mais n'écrit pas pendant des années. Chawton, véritable havre de paix, lui permit de travailler ses écrits de Stevenson et de les nourrir de ses expériences de Bath.
La maison de Jane Austen à Bath
Le biographe alimente ses souvenirs par des lettres de Jane adressées à ses neveux ou nièces mais surtout à Cassandra. Même si ces lettres ne sont pas intimes, le lecteur peut découvrir une Jane Austen intelligente, bienveillante et ironique à souhait. La parfaite compagne d'un après-midi de printemps passé dans un jardin à discuter sur un banc. James Edward nous présente également une auteur discrète dont l'activité littéraire est dissimulée à tous ceux qu'elle ne compte pas comme ses proches. Malgré cela, elle est déterminée à écrire autant qu'elle le peut. Peut-être avait-elle déjà compris que les générations futures aimeraient passionnément ses héroïnes et ses héros et que nous aurions tant besoin de son ironie mordante pour rire sous cape et de ses histoires qui réchauffent les cœurs.
Chawton
Sous la plume de James Edward, Jane Austen semble parfaite. Qu'importe si l'image de la romancière a été truquée, embellie et qu'elle soit placée sur un piédestal ! C'est cette Jane là que le lecteur a besoin d'imaginer.
La lecture de cette biographie fut un vrai moment de plaisir. J'étais ravie de pouvoir découvrir un chapitre supprimé de Persuasion et remplacé par celui de la si belle lettre du capitaine Wentworth. Quelle délice de découvrir ces quelques lignes inconnues de Jane Austen ! Ce livre m'a permis également de me plonger dans les propres souvenirs de mon voyage d'avril à Bath et à Chawton. Je me suis retrouvée de nouveau dans la rue de la maison de Jane Austen à Bath et à arpenter le cottage et le jardin de Chawton.
Je remercie vivement Les éditions Bartillat pour cette lecture.
Lu dans le cadre du challenge A year in England chez Martine.
Fanny
20:54 Publié dans A year in England, Challenges, Jane Austen, Les classiques, Livres, Partenariats | Lien permanent | Commentaires (7)
30/10/2016
L' Affaire de la belle évaporée, J.J Murphy
Dorothy Parker, la reine des répliques cinglantes, fait son grand retour avec son "cercle vicieux" pour mener une nouvelle enquête dans l'Hôtel Algonquin à New York dans ce second volume intitulé L'Affaire de la belle évaporée qui sortira le 3 novembre.
Alors que tous préparent une grande fête pour le 31 décembre dans une suite, un cas de variole est découvert et l'Algonquin est mis en quarantaine. Les clients de l'Hôtel se retrouvent malgré tout pour fêter la nouvelle année à venir dans la suite d'un couple de prestigieux acteurs. Les invités viennent de tous les horizons: Dorothy Parker et ses amis, Bibi Bilelot la vedette du moment et sa concurrente du moment Lydia ou encore Arthur Conan Dolye, le célèbre créateur de Sherlock Holmes et son ami le docteur Hurst. Après une arrivée remarquée et provocante qui échauffe les esprits, Bibi Bibelot se baigne dans une baignoire remplie de champagne alors que Dorothy et ses amis s'amusent au jeu de l'assassin. Comme le veut la tradition, les invités descendent à minuit pour se souhaiter la bonne année dans le hall de l'hôtel. Poursuivant le jeu de l'assassin, Dorothy qui a pioché le rôle du tueur, envoie Woollcoot dans la suite des acteurs pour "l'assassiner". Alors qu'elle prépare une réplique "mortelle" dans la suite, Dorothy découvre le corps de Bibi, assassinée dans la baignoire au champagne. Woollcoot s'autoproclame détective et entend bien débusquer le véritable assassin de Bibi. Dorothy accompagnée par son tendre ami Benchley et par Conan Doyle mène l'enquête de son côté.
Quelle joie de retrouver Dorothy Parker et le cercle vicieux dans ce second volume !
Les éléments qui ont fait le succès du premier se retrouvent dans cette nouvelle enquête. J.J Murphy sait nous transmettre toute la tendresse qu'il ressent pour ses personnages. Le roman est tout aussi farfelu et rigolo, on aime suivre ces personnages qui courent à tous les étages de l'hôtel pour chercher des preuves, retrouver l'assassin, traquer des gangsters déguisés ou encore fuir Woollcott qui les agace. Certains passages de ces courses poursuites dans l'hôtel m'ont fait penser à la scène finale de Certains l'aiment chaud dans laquelle Joe et Jerry, déguisés tour à tour en Daphné et Joséphine, en vieil homme handicapé et en son garde malade ou en serveurs fuient des gangsters. Les réflexions piquantes et acides de Dorothy et les jeux de mots de ses amis font le plaisir des lecteurs. L'ambiance du New York des années 20, de la prohibition et des starlettes de Broadway est toujours aussi bien installée par J.J Murphy. Le personnage d'Arthur Conan Doyle que l'on découvre dans ce second tome apporte un petit charme british au roman. L'intrigue policière n'est pas la plus importante dans ces romans puisque J.J Murphy laisse la plus belle part à l'humour, aux scène cocasses et aux répliques qui fusent avec intelligence. Certains des personnages du roman ont véritablement vécus, J.J Murphy expose rapidement à la fin du roman ce qu'il a modifié de la vie réelle de ses personnages pour les besoins de sa fiction. J'ai trouvé ces quelques pages très intéressantes. L'Affaire de la belle évaporée fut une lecture très plaisante pour toutes ces raisons.
Si vous n'avez pas encore lu le premier tome, Le cercle des plumes assassines, il est désormais disponible en poche chez Folio et vous pouvez lire ou relire ma critique ici.
" Ma foi, vous savez ce que je dis toujours: si vous n'avez rien d'agréable à dire de quelqu'un, venez vous asseoir à côté de moi."
"Woollcott bomba le torse.
- Je tiens à m'entretenir en personne avec les autorités. Et à obtenir leur autorisation officiellr pour traiter cette folle affaire.
- Vous êtes le seul fou bon à être traité, dans le coin."
Merci aux éditions Baker Street pour cette lecture si plaisante !
Fanny
19:33 Publié dans Les contemporains, Livres, Partenariats | Lien permanent | Commentaires (2)
21/10/2016
Chanson douce, Leïla Slimani
La cruelle chanson douce de Leïla Slimani commence par cette phrase qui n'est pas sans nous rappeler le début de L'Etranger d'Albert Camus : "Le bébé est mort."
Leïla Slimani nous livre la fin de l'intrigue dès le premier chapitre: Myriam rentre plus tôt du travail pour passer davantage de temps avec ses enfants et découvre les corps de Mila et d'Adam, tués par Louise, la nounou, qui a tenté de se suicider. Nous n'avons alors plus qu'une seule question: Pourquoi Louise en est-elle venue à tuer deux enfants qu'elle semblait aimer ? Connaissant la fin et ayant ainsi une supériorité sur les personnages, le lecteur prend de la hauteur et regarde alors les protagonistes s'animer, comme s'ils étaient de petites poupées, jusqu'au dénouement. Le roman rembobine la chronologie et on retrouve Myriam, débordée, se laissant submerger par l'aigreur et les regrets, ayant l'impression d'être exclue de la vie et qui décide de trouver une nounou pour pouvoir reprendre son travail d'avocate. Paul et Myriam ont choisi Louise, une sorte de Mary Poppins: elle est parfaite, aime immédiatement Mila et Adam, fait à manger et range l'appartement. Myriam retrouve avec joie son travail et la carrière de Paul prend un nouveau tournant. Le couple rentre de plus en plus tard, Louise s'immisce de plus en plus dans leur vie. Le couple ne peut plus se passer d'elle et Louise, veuve, sans nouvelle de sa fille, a enfin l'impression de plus souffrir de la solitude et de faire partie d'une famille aimante. Petit à petit, Louise semble agir étrangement mais elle est toujours plus dévouée à la famille. Myriam et Paul remarquent ces bizarreries, envisagent de la congédier mais ils ne franchissent jamais le pas. Une relation complexe et ambiguë s'est crée entre cette famille et la nounou et le piège se referme tout doucement sur eux.
Chanson douce est un thriller et un conte cruel de notre vie moderne qui aborde de nombreux sujets. Leïla Slimani dresse un portrait criant de vérité d'un jeune couple qui ressemble à tant de couples d'aujourd'hui: Myriam a besoin de travailler pour ne pas devenir une horrible mégère mais elle culpabilise à chaque instant de laisser ses enfants, Paul, qui s'était juré de ne jamais avoir de principes rigides, se montre autoritaire lorsqu'il s'agit de l'éducation de ses enfants. L'auteur aborde également le thème de l'argent: ces couples égoïstes, laissent entrer ces nourrices dans leur intimé mais ils ne les connaissent pas véritablement et ne cherchent pas à les aider face à leurs problèmes financiers.
Leïla Slimani décrit avec beaucoup de tendresse ces nounous, vivant dans la précarité, venues du bout du monde qui protègent et aiment des enfants qui oublient leur nom et qui ne les reconnaissent pas dans la rue lorsqu'ils sont devenus adolescents. L'écriture de Leïla Slimani est tranchante, efficace et nous tient en haleine durant tout le roman.
Vous l'aurez compris, j'ai tout aimé dans ce roman. Chanson douce est une très belle réussite !
"Il y a les mères aussi, les mères au regard vague. Celle qu’un accouchement récent retient à la lisière du monde et qui, sur ce banc, sent le poids de son ventre encore flasque. Elle porte son corps de douleur et de sécrétions, son corps qui sent le lait aigre et le sang. Cette chair qu’elle traîne et à qui elle n’offre ni soin ni repos. Il y a les mères souriantes, radieuses, les mères si rares, que tous les enfants couvent des yeux. Celles qui n’ont pas dit au revoir ce matin, qui ne les ont pas laissés dans les bras d’une autre. Celles qu’un jour de congé exceptionnel a poussées là et qui profitent avec un enthousiasme étrange de cette banale journée d’hiver au parc."
"Son cœur s'est endurci. Les années l'ont recouvert d'une écorce épaisse et froide et elle l'entend à peine battre. Plus rien ne parvient à l'émouvoir. Elle doit admettre qu'elle ne sait plus aimer. Elle a épuisé tout ce que son cœur contenait de tendresse, ses mains n'ont plus rien à frôler."
Merci à Price Minister pour les Matchs de la rentrée littéraire !
Fanny
17:46 Publié dans Les contemporains, Livres, Partenariats | Lien permanent | Commentaires (1)
16/10/2016
The Girls, Emma Cline
Evie passe quelques jours toute seule dans la maison d'un ami avec vue sur la mer. Alors que le fils adolescent de son ami fait irruption dans la maison pour passer une nuit avec sa petite amie, Evie se souvient de sa propre jeunesse. Lorsque ses parents se sont séparés et que sa meilleure amie a pris ses distances, Evie s'est retrouvée seule et s'ennuyait. Elle était une adolescente dans les années 60 en Californie et elle traînait sa solitude dans un parc ou un super marché lorsqu'elle rencontre par deux fois Suzanne, une jeune femme mystérieuse à la beauté envoûtante. Evie est immédiatement attirée par Suzanne et devient prête à tout pour parler à cette jeune femme brune qui semble différente de toutes les personnes qu'elle a rencontrées.
Suzanne la conduit au repère de son groupe, un vieux ranch dans lequel la saleté, le désordre et le partage entre jeunes gens font loi. Personne ne possède rien, chacun pioche dans un sac de vêtements commun, chaque membre a un rôle dans la maison et les enfants grouillent partout sans que l'on sache qui sont les parents. Evie, délaissée par sa mère et son père qui s'occupent davantage de leur nouveau conjoint respectif, trouve dans ce ranch un foyer et dans ces jeunes gens une nouvelle famille parmi laquelle on trouve un lot de jeunes femmes admiratives et envoûtées par Russell. L'influence de Russell, manipulateur et séducteur, est immense sur les autres habitants du ranch et il devient une sorte de gourou pour ces jeunes femmes: il donne les ordres, elles les exécutent. A 14 ans, Evie découvre une nouvelle vie dont les horizons sont plus vastes et la liberté sans limites. Toutes les frontières fixées par la société de l'époque n'existent : la propriété privée et la propreté sont bannies du ranch alors que la drogue, l'alcool, le sexe, le vol font partie intégrante de cette vie commune. Evie, à la recherche de sa propre personnalité et d'affection, abandonne la gentille adolescente qu'elle était pour devenir un membre à part du ranch. Elle adopte tous les principes et les règles de vie que le groupe prône tant elle est attirée par Suzanne. Mais au fur et à mesure le verni s'écaille et ce groupe ressemble de plus en plus à une secte aux yeux d'Evie. La violence de Russell s'accrue, Suzanne prend ses distances et certains membres quittent le ranch. Spectatrice de tous ces changements, Evie aperçoit de plus en plus distinctement le nouveau chemin violent et fou que semble suivre la secte.
The Girls est inspiré par l'histoire de la secte dirigée par Charles Manson qui commis des assassinats d'une grande violence et sans véritables motifs apparents à la fin des années 60 en Californie dont celui de Sharon Tate. Charles Manson prévoyait les meurtres, "ses filles" les commettaient. Ces meurtres bouleversèrent les Etats-Unis et l'image bien gentille et insouciante des hippies de la fin des années 60 disparut avec cette secte.
Emma Cline met en scène la fascination du mal et de la violence. Evie est fascinée par Suzanne, la meurtrière la plus violente du groupe et même lorsqu'elle prend connaissance des assassinats, les filles sont toutes envoûtées par la folie de Russell et le lecteur est également happé par la descente aux enfers du groupe. Ce roman est étrangement prenant. Une fois qu'Evie fait partie de la communauté du ranch nous sommes piégés par un double élan: le lecteur veut suivre ces personnages fous qui le fascine également mais en même temps il est mal à l'aise durant divers scènes glauques.
The Girls est également un roman d'apprentissage: Evie perdra son innocence dans ce roman et deviendra une adulte hantée par ce qu'elle a vécu avec cette secte.
J'ai d'abord eu un peu de mal à entrer dans le roman : la première partie qui nous montre Evie adulte n'est pas la plus prenante et puis il faut s'habituer au ton du roman. Les 100 dernières pages sont haletantes et sont vraiment l'apogée du roman. Evie adulte s'interroge: qu'aurait-elle fait si elle était partie avec le groupe qui allait assassiner la famille ?
Avant de lire The Girls j'avais entendu des avis dithyrambiques sur le roman. Mon ressenti est moins enthousiaste: j'ai beaucoup aimé The Girls mais ce ne sera pas le livre de l'année pour moi. L'engouement pour le roman est tout à fait mérité: The Girls est vraiment une lecture atypique qui créer un ressenti complexe chez son lecteur qui ne peut pas rester indifférent. Même si The Girls ne fut pas un coup de cœur je sais que ces filles-là vont rester une lecture marquante pour moi.
" C'est seulement après le procès que certaines choses se précisèrent, cette nuit-là formait maintenant un arc familier. Tous les détails et les anomalies étaient rendus publics. Parfois, j’essaie de deviner quel rôle j’aurais pu jouer. Quelle responsabilité me reviendrait. Il est plus simple de penser que je n’aurais rien fait, peut-être les aurais-je arrêtés, ma présence étant l’ancre qui aurait maintenu Suzanne dans le monde des humains. C’était un souhait, la parabole convaincante. Mais il existait une autre possibilité lancinante, insistante et invisible. Le croque-mitaine sous le lit, le serpent au pied de l'escalier: peut-être que j'aurais fait quelque chose, moi aussi. Peut-être que ça aurait été facile. "
Merci à Babelio et aux éditions de La Table ronde.
J'ai partagé ma lecture avec Fanny du Manoir aux livres !
Fanny
12:37 Publié dans Les contemporains, Livres, Partenariats | Lien permanent | Commentaires (2)