26/04/2016
Bath et Chawton, un rêve éveillé chez Jane Austen
Du 10 avril au 15 avril nous sommes allées à Londres et dans le Sud de l'Angleterre avec ma soeur et nous avons réalisé certains de mes doux rêves (c'est neuneu, certes, mais c'est la vérité ) : visiter Bath, Chawton et Dorchester.
Nous avons d'abord passé le dimanche après-midi et le lundi à Londres. Nous nous sommes promenées dans Kensington gardens et Hyde park ( je crois que ce sont mes endroits préférés à Londres), comme le veut la tradition nous avons salué la statue de Peter Pan (un amour de jeunesse), puis nous avons mangé à Camden. Le lendemain matin, nous avons remonté la Tamise à pied depuis la Tour de Londres, en passant sur le Tower Bridge, devant le Globe, Big Ben et nous avons mangé à Trafalgar. L'après-midi, nous avons visité la British Library afin de voir l'exposition consacrée à Alice au pays des merveilles et les célèbres manuscrits conservés dans cet endroit. Si un article sur Londres agrémenté par des photographies vous tente, n'hésitez pas à me le dire.
Mardi 12 avril, au petit matin nous avons pris un train pour aller jusqu'à Bath. Il ne faut qu'une heure trente pour rejoindre Bath depuis Londres.
Après avoir déposé les bagages à l'hôtel, nous avons commencé par visiter The Jane Austen Centre qui se trouve dans la rue (Gay Street) dans laquelle Jane Austen a vécu mais pas dans la véritable maison qui est aujourd'hui devenue un cabinet de dentistes. Le centre est amusant à visiter : les personnes qui y travaillent sont tous déguisés, une jeune fille vous explique la vie de Jane Austen et de sa famille, ses liens avec Bath et vous pouvez ensuite voir les copies des portraits de Jane Austen, des photographies de tous les acteurs ayant joué dans une adaptation ou encore la récente statue faite à partir des quelques descriptions physiques de Jane Austen. Le centre est plaisant à visiter et ludique mais l'âme de Jane Austen n'est pas véritablement là. On est amusé mais pas ému. ( Vous pouvez voir en grand toutes les photos en cliquant dessus).
Nous avons remonté la rue pour trouver la maison dans laquelle Jane Austen a vécu le plus longtemps à Bath.
Après avoir mangé dans la plus vieille taverne de la ville, nous avons visité les bains romains. Les bains se trouvent à côté de l'Abbey de Bath et de The Pump room. L'ensemble est magnifique. La visite des bains est très complète et riche. The pump room, lieu de rendez-vous dans Northanger Abbey et Persuasion, est devenu un restaurant et un salon de thé très fréquenté.
Enfin, comme Anne Elliot, nous avons cherché et couru après Frederick Wenthworth aux abords du Royal Crescent et du Circus. Je ne pense pas avoir à vous venter la beauté de l'endroit, les photographies parlent d'elles-mêmes !
Nous avons ensuite cherché les Assembly rooms, désormais musée de la mode et lieu hautement Austenien dans lequel a lieu le rendez-vous raté entre Anne et Frederick lors d'un concert de musique. Nous n'avons pas pu y entrer puisque le musée était déjà fermé.
Je ne peux vous dire qu'elle joie se fut de marcher dans les pas de Jane Austen et de ses héroïnes. Après avoir été émerveillée par Bath dans sa jeunesse, comme Catherine Morland, Jane se lassa rapidement de la ville et de ses habitants qu'elle trouvait trop superficiels, tout comme Anne Elliot. Pour ma part, en ce premier jour, j'étais davantage Catherine Morland s'extasiant de tout qu'Anne Elliot !
Le lendemain matin nous sommes allées chercher la voiture de location et nous avons roulé une heure trente jusqu'à Dorchester pour visiter la ville et les deux maisons de Thomas Hardy. Je vous parlerai de cette journée dans un article à venir.
Le jeudi matin, après nous être rendues dans le cimetière dans lequel est enterré le coeur de Thomas Hardy (son corps étant à l'Abbey de Westminster), nous avons roulé une heure trente jusqu'à Chawton.
Chawton est un tout petit, aussitôt arrivé dans le village, vous apercevez le cottage de Jane Austen.
Le cottage est magnifique à l'extérieur comme à l'intérieur et le printemps ajoute un charme supérieur au jardin. Avant de visiter la maison, une vidéo nous raconte la vie de Jane Austen et l'histoire du cottage. Ensuite, nous visitons la cuisine, la salle à manger dans laquelle se trouve la table sur laquelle Jane écrivait et enfin l'étage et les chambres. L'intérieur de la maison est charmante et la visite est émouvante. On voudrait qu'elle dure trèèèèès longtemps pour rester le plus de temps possible chez Jane Austen. Le seul petit inconvénient réside dans l'attractivité du cottage: nous étions au mois d'avril mais il y avait déjà beaucoup de visiteurs.
La veille, nous avions presque été accueillies comme des "reines " dans les maisons de Thomas Hardy puisque nous avions moins de 60 ans et que nous étions françaises, les gens travaillant chez Jane Austen voient bien plus de monde et sont de ce fait moins attentifs ou simplement moins passionnés. Je suis très égoïste quand je visite une maison d'écrivain: je suis tellement "fanatique", je les aime tellement, que j'aimerais être seule dans la maison et pouvoir parler comme je le souhaite, rester autant de temps que je veux dans les pièces et me sentir "invitée" chez cet homme ou cette femme que j'admire tant. Bref, c'est une manie un peu folle mais je voulais tout de même l'expliquer puisque la visite ne fut pas aussi féerique que celle des maisons de Thomas Hardy.Malgré ma folle manie, la visite fut incroyable.
Si un jour vous avez la chance de visiter Chawton, je vous conseille de prévoir le pique-nique. Il n'y a que deux pubs et nous avons eu du mal à trouver une table avant 15h et encore on nous a fait comprendre qu'il ne fallait pas trop s'attarder. Après notre rapide repas, nous avons marché jusqu'à l'église dans laquelle Jane se rendait et dans le cimetière dans lequel Cassandra et la mère de Jane Austen sont enterrées. Le manoir que le frère de Jane Austen possédait se trouve juste à côté de l'église. Après une promenade dans ce charmant village où les cottages rivalisent de mignonneries, nous avons repris la voiture pour la laisser à Basingstoke et de là nous avons repris un train pour Londres.
Que ce soit à Bath ou à Chawton, j'étais comme une enfant de six surexcitée par tout mais j'étais également très émue. Mon petit coeur fleur bleu battait bien fort ! Pour toutes personnes aimant Jane Austen, ces lieux sont chargés d'émotions. Je vous les conseille plus que vivement. Depuis mon difficile retour à la réalité, j'ai furieusement envie de relire tous les Jane Austen et de revoir tous les films. Et je ne décroche pas des photos que je regarde inlassablement.
J'espère que cet article que j'ai essayé de faire le plus spontanément possible n'est pas trop répétitif ou long et qu'il vous aura plu !
Je reviendrai vers vous pour vous raconter notre journée à Dorchester, chez Thomas Hardy !
Article rédigé dans le cadre de A year in England chez Titine !
Fanny
21:07 Publié dans Jane Austen, Livres, Voyage chez les auteurs | Lien permanent | Commentaires (8)
07/04/2016
Jude l'obscur, Thomas Hardy
Après mon coup de coeur pour Tess d'Urberville et avant d'aller visiter le sud de l'Angleterre d'ici quelques jours, j'ai voulu lire le dernier roman de l'auteur, considéré comme l'ultime chef d'oeuvre de Thomas Hardy : Jude l'obscur, roman à ne pas mettre en des mains tristounettes sans prendre le risque de les rendre encore plus désespérées.
Je ne vous raconterai pas toute l'histoire de Jude, tout d'abord le roman perdrait de son intérêt et je ne suis pas certaine de lui rendre justice. (Mieux vaut ne pas lire la quatrième de couverture du Livre de poche.)
Nous pouvons juste esquisser les premières fondations du roman qui sont si importantes pour la suite. Jude, un jeune orphelin, vit chez sa tante et travaille pour ne pas être considéré comme une bouche inutile à nourrir par sa parente. Lorsque son maître d'école quitte le village au début du roman, il lui fait promettre de ne jamais abandonner ses études et de toujours chercher à se cultiver. Jude fait cette promesse qui va orienter son destin. Dès lors, Jude n'a qu'une obsession: aller à Christminster, ville universitaire et pieuse, pour devenir quelqu'un : un homme cultivé, intelligent, affranchi de la terre et de la misère. Il n'aura de cesse de tendre vers cet objectif mais de nombreuses barrières se dresseront devant lui.
Ces obstacles seront extérieurs: la société telle qu'elle est au XIXe siècle ne permet pas à un petit jeune homme obscur de devenir un grand homme, ne donne ni temps ni forces à un travailleur manuel usé par ses journées de labeur pour s'instruire. De plus, cette société est est composée d'hommes et de femmes rongés par les préjugés, le fanatisme religieux, l'hypocrisie, nourris de scandales, de ragots et qui aiment plus que tout juger leur prochain. Les difficultés rencontrées par Jude seront également liées à sa propre personnalité: sa faiblesse pour l'alcool, sa sensualité qui le pousse dans les bras d'Arabella, sa passion pour Sue, ses propres préjugés et croyances religieuses joueront également contre lui et contre son idéal. Enfin, la pensée de Jude se trouvera confrontée à celle de Sue, sa cousine. Les idées de Jude en seront chamboulées: Jude est croyant, considère les cérémonies et lois religieuses comme sacrées. Sue, plus libre et indépendante que son cousin, est cultivée et possède un esprit critique aiguisé. Sans jamais le dire, ses faits et gestes montrent qu'elle ne croit pas en Dieu et elle rejette les institutions religieuses.
Jude l'obscur est une tragédie moderne : comme chez les Grecs, le "fatum", le destin se joue des personnages. Ils sont quatre: Jude, Sue sa cousine, Arabella une jeune paysanne et Richard un instituteur. Il seront désespérément liés, séparés et amenés à se rencontrer sans cesse au fil du roman. Ils subiront chacun leur tour les choix des autres personnages, le regard et les jugements de leurs contemporains et les nombreux pièges que la société du XIXe siècle tend à l'homme tout au long de sa vie pour le contraindre, le soumettre et anéantir sa liberté: le mariage et la religion. Sue et Jude, couple maudit, ont "cinquante ans d'avance sur leur monde". Influencé par Sue, Jude rejettera les lois sociales et religieuses auxquelles il se soumettait. Ils n'auront de cesse de chercher leur propre bonheur. Petits voiliers pris dans une tempête, ils se battront contre vents et marées pour vivre selon leur bon vouloir et selon leurs propres lois édictées contre celles imposées par la société.
Jude l'obscur a causé tant d'ennuis à Thomas Hardy qu'il n'a plus écrit un seul roman jusqu'à la fin de sa vie. Les thèmes et les propos tenus par les personnages sont résolument modernes. Le roman est une vive critique des lois et de l'institution du mariage. Le mariage n'est qu'une question d'hypocrisie: deux personnes ne peuvent pas ressentir exactement les mêmes sentiments tout au long de leur vie et lorsque ces sentiments sont contraints ils se délitent fatalement. Dieu et les hommes ne devraient pas forcer un couple à se marier.
Pour conclure, parce que si je ne m'arrête pas maintenant, cet avis sera beaucoup trop long, Jude l'obscur est un roman complexe et dense qui s'empare de nombreux sujets qui sont toujours d'actualité. Me mariant moi-même cette année, je n'ai pu rester insensible à toutes les réflexions des personnages concernant cette institution. Cette tragédie est souvent bouleversante même si elle connaît quelques longueurs. Jude l'obscur m'a moins touché que Tess d'Urberville, je dois bien l'admettre. L'écriture de Thomas Hardy est toujours aussi belle et la construction de ses intrigues et leurs rebondissements restent incroyables. Je reste sans voix devant l'audace et la modernité des idées et des critiques de Thomas Hardy qui a toujours des années d'avance pour certains esprits obscurs de 2016.
" Jude sortit, conscient plus que jamais de l'inutilité de son existence ; il s'étendit sur un tas de litière près de l'étable à cochons. Le brouillard était alors devenu plus léger et laissait deviner le soleil. L'enfant tira son chapeau de paille sur son visage et rêvassa, en regardant par les interstices cette clarté blanchâtre. Il voyait que l'âge apporte des responsabilités. Les événements ne s'enchaînaient pas comme il l'aurait pensé. La logique de la Nature était trop horrible pour qu'il s'en souciât. L'idée que ce qui était compassion envers certaines créatures devenait cruauté envers d'autres détruisait tout sentiment d'harmonie. Il s'apercevait qu'en grandissant on se sentait au centre de la vie et non sur un point de la circonférence comme lorsqu'on est petit : cela lui donnait le frisson. Tout autour de lui, il semblait y avoir des choses brillantes, éclatantes, assourdissantes ; ces lueurs et ces bruits frappaient cette petite cellule qui sécrète la vie, la secouaient et la brûlaient. "
Lu dans le cadre du challenge XIXe siècle chez Fanny et de A year in England chez Titine.
Fanny
18:57 Publié dans A year in England, Challenge XIXe siècle, Challenges, Les classiques, Livres | Lien permanent | Commentaires (5)