Tess d'Urberville, Thomas Hardy
20/02/2016
Ivre, John Durbeyfield rentre la nuit chez lui lorsqu'il croise le pasteur de la région qui lui apprend qu'il est un descendant d'une illustre famille désormais éteinte: les d'Urberville. John n'a alors qu'une obsession: retrouver le prestige de ses ancêtres et le rang auquel il estime avoir droit. Ainsi, il n'hésite pas à faire culpabiliser sa fille qui a commis la faute de s'endormir en route et d'avoir eu un accident avec le cheval afin de l'envoyer chercher du travail auprès des derniers d'Uberville puissants de la région. Tess travaille et vit chez Alec d'Urberville et sa mère. Alec d'Urberville est un dangereux séducteur qui mènera Tess à sa perte.
Tess décide de fuir Alec malgré les voeux de ses parents qui souhaitent la marier à Alec. Tess, considérée comme impure par la société, sujet de ragots dans le village et jugée idiote par ses parents, trouve un travail dans une laiterie et essaie de se faire oublier. Elle rencontre alors de jeunes laitières qui vont devenir ses amies mais aussi Angel Clare, un fils de pasteur qui souhaite devenir fermier et qu'elle a déjà croisé des années auparavant.
Tess d'Urberville a tout pour séduire et fut un véritable coup de coeur pour moi. Tout est beau et tragique dans ce roman. Tout d'abord, l'Angleterre du Sud est magnifiée par Thomas Hardy qui décrit de vastes paysages et des scènes champêtres dans lesquelles, loin des clichés, les paysans ne sont pas des idiots lourdauds. Les personnages sont riches et notre regard ne cesse de se paufiner sur leur caractère. Tess est une héroïne qui force le respect: sa générosité, sa force de caractère et son abnégation sont sans failles. Angel Clare et Alec d'Urberville sont les deux personnages masculins opposés: l'un cherche la pureté, l'autre pourrait être la figure du diable. Les deux hommes sont intéressants pour le lecteur et bouleverseront l'existence de Tess. Les parents de Tess sont exaspérants et nous donnent des envies de meurtre.
Thomas Hardy nous livre une grande et belle tragédie. Le lecteur sait que l'histoire se terminera mal mais la fin reste surprenante et la fatalité a un grand rôle. La rencontre de Tess et d'Angel est et devait être trop tardive, Tess devait d'abord rencontrer Alec pour son plus grand malheur. C'est la fatalité qui poursuit Tess qui est constamment coupable: coupable d'avoir tué le cheval, coupable d'avoir eu une relation sexuelle avec Alec, coupable de mensanges et de calculs. Elle est forcément coupable parce qu'elle est née femme. Thomas Hardy nous montre la vie cruelle et injuste que menaient les femmes au XIXe siècle dans une société qui les malmenait. Pendant ma lecture je pensais sans cesse à la phrase de Hobbes: "l'homme est un loup pour l'homme" mais dans Tess c'est surtout l'homme qui est un loup pour la femme. Et certaines femmes, comme la mère de Tess, sont encore des loups pour leurs semblables. Enfin, Dieu n'est pas là comme le rappelle Thomas Hardy et rien ne va. Tess ne peut attendre aucune aide, ni des hommes intolérants ni d'un être tout puissant.
Après Loin de la foule déchaînée, j'attendais énormément de Thomas Hardy et je n'ai pas été déçue. Tess d'Urberville et l'écriture poétique de l'auteur sont de un véritables coups de coeur.
" Tout à coup, un après-midi, regardant sa beauté dans la glace, elle se mit à penser qu’il existait encore une date bien plus importante pour elle, la date de sa propre mort, quand ses charmes auraient disparu : jour caché, invisible et sournois parmi tous ceux de l’année, qui passait devant elle sans donner de signe et n’en était pas moins sûrement là. Quel était-il ? Pourquoi, quand venait chaque année, ne sentait-elle pas le frisson de cette froide et familière rencontre ?
Comme Jeremy Taylor, elle songeait que, dans l’avenir, ceux qui l’auraient connue diraient : « C’est le tant…, le jour où est morte cette pauvre Tess Durbeyfield », et ces mots ne leur sembleraient pas étranges. De ce jour destiné à être le terme de son voyage dans le temps à travers les âges, elle ne connaissait ni le mois ni la semaine ni la saison ni l’année."
J'espère pouvoir voir rapidement les versions de Roman Polanski et de la BBC. Les avez-vous vus ? J'aimerais également lire Jude l'Obscur d'ici peu.
Lu dans les cadres des challenges du XIXe siècle chez Fanny, des 100 livres à lire au moins une fois chez Bianca et A year in England chez Titine.
Fanny
7 commentaires
Très beau billet ! J'aime beaucoup ta réflexion "l'homme est un loup pour la femme". C'est tellement vrai dans ce livre et c'est tellement fort de la part de Thomas Hardy de défendre Tess à l'époque où il écrit. il faut aussi que je regarde les adaptations.
Merci Shelbylee ! Depuis ce commentaire as-tu vu des adaptations ? J'ai vu celle de la BBC et je l'ai adorée !
Quel superbe billet !!! J'ai vu le film de Polanski il y a une bonne dizaine d'années, et j'avais été "traumatisée" par le destin tragique de Tess, j'étais toujours occupée à me révolter et à râler. Maintenant avec la maturité, j'ai bien envie de lui laisser un nouvelle chance :)
Merci Julie !Je n'ai pas encore vu le film de Polanski, il faut que je rattrape mon retard ! Je te conseille vivement de donner une chance au roman en faisant abstraction du fait que l'on a envie de secouer Tess et Angel assez souvent !
Billet très tentant pour un auteur que j'ai prévu d'ENFIN découvrir cette année. Entre les deux que tu as lus, par lequel commencerais-tu?
Zarline, j'ai commencé par Loin de la foule déchaînée qui est plus romanesque mais moins fin et délicat que Tess. Je te conseille de commencer par Loin de la foule déchaînée, je ne regrette pas du tout d'avoir débuté par celui-là même si ce n'est pas le roman le plus célèbre de Thomas Hardy.
Un très joli billet ! J'ai adoré ce roman et il s'agit de mon préféré de l'auteur (pour le moment)
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