Cris, Laurent Gaudé
14/12/2014
En superposant les courts récits de nombreux soldats, Laurent Gaudé dresse un immense tableau de tous ces hommes sacrifiés et magnifiques.
Il nous donne à entendre la voix d'une multitude de soldats et d'un médecin. Qu'ils quittent les tranchées, qu'ils prennent la relève, qu'ils traquent un soldat fou qui hurle à la mort, qu'ils tuent, qu'ils sauvent, qu'ils soignent ou aident à mourir; ces hommes nous racontent leurs petites histoires qui participent à la Grande histoire de la première guerre mondiale. Tout commence lorsque Jules, honteux, quitte les tranchées sans prévenir ses amis, Marius et Boris, qui ne peuvent quitter le front. En traversant les boyaux, il croise la relève et ces nouveaux soldats confient leurs peurs et leur inexpérience au lecteur.
Les voix de ces hommes touchent le lecteur au cœur. Tout comme Jules, il entendra encore longtemps, une fois le livre fermé, les voix des camarades des tranchés ou sera hanté comme Boris et Marius, par ces cris inhumains de cet homme-animal vivant dans le no man's land. Les phrases très courtes et hachées de Laurent Gaudé percutent le lecteur.
J'ai particulièrement aimé la construction du roman qui nous donne à lire le récit de soldats présents tout le long du roman mais aussi pour quelques pages seulement. L'auteur semble ainsi prêter sa voix à des anonymes, que les soldats eux-mêmes oublient dans le roman, à l'image du gazé qui agonise dans un trou d'obus et que les soldats ont oublié en se disant qu'il était certainement mort et qu'il ne servait à rien de risquer sa vie pour aller le chercher.
Cris est un long chant poignant et émouvant mais aussi une immense statue dressée à la mémoire de tous ces hommes. Ce roman est un coup de poing au cœur et au ventre qui laisse le lecteur sonné et ému.
"Je mets des pansements sur les morts et j'ampute les vivants. Il y a trop de cris autour de moi. Je n'entends plus les voix. Et je me demande bien quel visage a le monstre qui est là-haut, qui se fait appeler Dieu, et combien de doigts il a à chaque main pour pouvoir compter autant de morts."
"Je ne pensais pas que la mort pouvait avoir le visage d’un gamin de dix-huit ans. Ce gamin-là, avec ses yeux clairs et son nez d’enfant, c’était ma mort."
"Je ne sais pas ce qui peut produire les cris dont tu parles et que j'ai moi-même entendus, animal ou homme. Je ne sais pas si ce sont des lamentations ou les fous rires d'une bête sauvage. On dit que c'est un soldat, aliéné lors d'une attaque, qui n'a jamais retrouvé ses lignes et qui erre en nous insultant, nous qui n'avons jamais rien fait pour le retrouver. Personne ne peut dire si c'est un Allemand ou un Français. Personne ne peut dire de quoi il vit et où il se terre. Certains affirment que c'est le fantôme écorché du champ de bataille. Qu'il vient hurler à nos oreilles, la nuit, pour nous rappeler nos meurtres du jour."
Fanny
Ps: Merci à ma soeur, admiratrice de Gaudé, qui m'a conseillé ce roman !
Lu dans le cadre du challenge Première guerre mondiale organisé par Claire !
6 commentaires
Je ne connaissais absolument pas ce titre avant de lire ton billet qui me donne envie de le lire. J'espère le trouver au boulot, d'autant plus que ça me ferait une nouvelle participation au challenge de Claire !
J'espère que tu le trouveras facilement Céline et que je pourrais vite lire ta critique !
Il est dans ma wishlist mais après ton avis, je me dis qu'il est resté un peu trop longtemps...il sera en haut de ma liste des prochains achats !
SUPERBE avis, si tu as été émue lors de ta lecture, ça s'est ressentie dans ton avis ;)
Merci pour tes compliments et je suis contente d'avoir terminé de te persuader de le lire !
Il m'intrigue depuis quelques temps, et je découvrirais bien l'auteur avec ce titre :)
Merci !!!
Je pense que c'est effectivement un bon livre pour commencer à découvrir cet auteur ! Je pense poursuivre ma découverte très bientôt d'ailleurs !
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